Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/744

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besogne ; mais qui poussa ce cri ? Un manufacturier, M. J.-J. Bourcart de Guebwiller. Voici donc sur des actes analogues trois corps moraux engagés, un département, une ville, une société, et si l’on remonte à l’idée initiale, c’est un homme que l’on découvre. A quel choix s’arrêter ? Qui l’emportera des idées ou des actes, de l’individu ou du groupe ? Ce n’est pas un mince embarras, ni une médiocre responsabilité.

Il y a d’autant plus lieu d’établir là-dessus une règle que le cas se représentera dans la plupart des foyers d’industrie. En outre il s’agira de vider du même coup un point de compétence. Sur la foi du décret et en abusant peut-être de l’élasticité du texte, quelques personnes se sont imaginé que ce concours embrassait, par le seul motif qu’il ne les excluait pas, les œuvres de morale spéculative, et que de bons conseils couchés sur le papier valaient au moins les actes généreux appliqués au soulagement et à la culture des hommes. Une fois éclose, la prétention a dû recevoir des encouragemens, si l’on en juge par le chemin rapide qu’elle a fait : de divers côtés on cite des noms d’auteurs et des titres d’ouvrages, le tout déjà sur les rangs ou à la veille de s’y mettre. La prétention est-elle fondée ? Il est temps que la commission impériale et le jury mixte s’en expliquent catégoriquement. Tout se réduit à une interprétation du décret. A-t-il voulu, oui ou non, que le bien qui se médite dans le cabinet soit compté au même titre que le bien qui se réalise sur le terrain ? A-t-il entendu faire du jury mixte une académie au petit pied distribuant des médailles aux écrivains qui s’appliquent de leur mieux à alimenter le public de lectures saines ? Si cela est, il faut l’affirmer ; si cela n’est pas, il faut détruire les illusions qui se propagent.

Plus on y réfléchit, plus on découvre de sujets d’hésitation dans les jugemens à rendre. Des œuvres d’amélioration physique et mo-raie, quoi de plus difficile à comparer ? Pour les produits d’industrie ou d’art, on a la vue et le tact ; pour les produits de la bienfaisance, on ne sait à quoi se prendre. On ne les a pas sous les yeux, il faut juger sur les dossiers. Nulle part pourtant le détail, la nuance, le mode, ne sont plus à considérer. Rien d’absolu, partout du relatif, le temps, le lieu, les hommes, le goût qu’on y met, l’intention que l’on y porte. Sur tel point, on fera beaucoup à peu de frais ; sur tel autre, on ne tirera que des fruits médiocres d’une grande dépense. Il y a aussi à distinguer les œuvres qui procèdent de l’expérience personnelle de celles qui sont nées de l’esprit d’imitation ; la distance entre les unes et les autres est la même qu’entre l’original et la copie. Au sujet des exagérations de mise en scène, les précautions ne sauraient être moindres ; c’est l’indice d’un mal caché : on