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appliquer pendant de longues années de paix certaine, entreraient dans les habitudes de la population. Quant à nous, bien que les hommes du métier trouvent des avantages pratiques à combiner le maintien de l’exonération avec l’accroissement du recrutement et la création de nouvelles réserves, nous croyons qu’un intérêt social et politique bien supérieur à l’intérêt technique conseille aux classes aisées d’accepter, moyennant la réduction de la durée de l’engagement, l’égalité des obligations du service. Les jeunes gens des classes aisées et éclairées élèveraient leur niveau moral en acceptant de bonne grâce l’éducation militaire. Ils ne laisseraient point subsister à leur profit une inégalité injuste, qui ne peut manquer d’être plus douloureusement ressentie par les classes privées de capital à mesure que la charge du recrutement pèsera plus lourdement sur elles. L’observation absolue de l’égalité dans le service militaire serait à nos yeux la garantie la plus digne et la plus efficace que pourraient avoir les classes aisées contre les antagonismes sociaux auxquels elles sont exposées.

Il est regrettable sans doute que l’effet d’une grande imprévoyance politique ait mis la France en demeure d’augmenter ses contingens et ses dépenses de guerre ; cependant le pays, quelle que soit sa mauvaise humeur, ne peut point se résigner à une décadence. Il se résignera aux nouvelles charges ; mais s’il a du bon sens et l’instinct de sa conservation, il se fera rendre en libertés par le pouvoir l’équivalent des sacrifices consentis pour le maintien de la grandeur et de la sécurité nationales. La nécessité de ces sacrifices diminuerait d’ailleurs dans la même proportion où croîtrait la participation du pays au gouvernement. Les grands débats sur la loi de l’armée, sur la presse et sur le droit de réunion devraient être dominés par la pensée d’établir un juste équilibre entre les charges militaires et les franchises politiques. Dans l’attente de ce grand travail de législation, les épisodes de la politique intérieure semblent s’amoindrir et s’effacer. On ne peut cependant affecter de ne point prendre garde à l’incident dont la présidence de la chambre des députés a été l’occasion. M. le comte Walewski s’est démis de ses fonctions, donnant pour motif à sa retraite des dissentimens personnels entre lui et quelques membres du gouvernement. Cette démission reçoit un caractère politique de la part que le public avait attribuée à M. Walewski dans les mesures de tendance libérale adoptées par le gouvernement. M. Walewski avait contre-signé le décret du 24 novembre ; il passait pour avoir préparé par ses avis les mesures du 19 janvier. Peut-être, puisque la présidence de la chambre est vacante et qu’elle est soumise, quand elle a une importance politique trop prononcée, aux orages des dissentimens ministériels, serait-il sage de profiter de l’occasion pour restreindre cette fonction à son objet professionnel, à la bonne direction du débat parlementaire. Pour trouver l’homme de la chose, the right man in ihe right place, le gouvernement n’aurait point à sortir de la chambre ; il lui suffirait de donner de l’avancement à l’honorable M. Schneider, qui, depuis bien des années, a fait ses preuves comme vice-président. Le