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fauteuil ne pourrait être occupé par une meilleure tête, par une personne plus versée dans les affaires de la chambre, par un arbitre plus avisé et plus conciliant des conflits de tribune. En somme, ce qui résulte de la retraite de M. Walewski, c’est une homogénéité plus grande du gouvernement sous la prépondérance chaque jour plus marquée de M. Rouher. Personne, même parmi ses contradicteurs habituels, n’aura l’idée de contester la légitimité de la place que M. le ministre d’état s’est faite et occupe au pouvoir. Il porte le poids des plus grandes affaires gouvernementales. Il est le seul membre du personnel politique officiel qui ait la puissance et la facilité de travail nécessaires en de pareilles fonctions, Il est vigoureux et infatigable. Nous ne savons s’il serait orthodoxe de voir en lui un premier ministre : il en a du moins toute l’apparence et l’étoffe. La nature et la force des choses se montrent ici supérieures à la lettre des institutions. Il ne nous déplaît point à nous, qui n’aimons point les fictions, qu’un homme politique élève ainsi sa situation à la hauteur de son mérite. Monté à ce degré dans la direction et dans la représentation du pouvoir, M. Rouher, quoi qu’on en dise, commence à réaliser en lui la responsabilité ministérielle. La responsabilité n’est-elle pas mesurée à l’importance ? Il n’est point indifférent d’avoir affaire, dans les compétitions politiques, à un homme que sa réfutation et son influence investissent d’une responsabilité personnelle supérieure à celle de ses fonctions.

Entre les discussions d’où nous attendons un effort de rénovation politique et un accroissement de puissance militaire pour la France et l’œuvre rapide et véhémente que M. de Bismark poursuit au sein du Reichstag fédéral, est-il véritablement permis de placer le petit incident du Luxembourg ? On veut depuis deux semaines que l’acquisition de cette province par la France soit l’objet de négociations entre La Haye et Paris, entre La Haye et Berlin. Il y a dix jours, on donnait l’affaire comme terminée ; maintenant on soutient qu’elle n’est guère avancée, et on prétend qu’elle est sans importance pour la France. M. Rouher peut passer parmi nous pour un ministre occupé ; l’activité qui dévore M. de Bismark paraît être plus énervante. Ce ministre original fait lui-même l’aveu de sa fatigue d’une façon qui pique la curiosité. Il excuse ses mouvemens d’humeur et l’irritation qu’il porte dans les débats de l’assemblée fédérale non-seulement par les luttes qu’il a eu à soutenir pour achever ce qu’il a fait depuis cinq années, mais par les difficultés et les tracasseries dont il serait encore assailli à l’heure présente, La cause des soucis de M. de Bismark, l’objet.des combats secrets qu’il est obligé de livrer, ne sauraient être le petit Luxembourg. En attendant, le vote de la constitution de la confédération du nord avance rapidement. Les députés allemands manifestent assurément des tendances libérales ; mais les nerfs de M. de Bismark font échouer les amendemens par lesquels ils voudraient introduire et consolider le véritable self-government dans la constitution fédérale. Tout le monde cède à l’intérêt le plus pressant, et l’intérêt.le plus pressant est de