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succédé en demandant au même sol la même chétive subsistance. Ayant trouvé dans les forêts de quoi se chauffer et s’abriter, elles s’y installèrent avec leurs troupeaux, et abattirent les arbres pour cultiver le riz et le millet ; puis, quand les terres étaient épuisées, elles allaient recommencer un peu plus loin le même travail de dévastation, laissant derrière elles la forêt se reformer. Une grande portion de la partie montagneuse de l’Inde a dû être parcourue de la sorte, Dieu sait combien de fois ! car on trouve fréquemment au plus épais des massifs des ruines d’anciens villages, des tombeaux abandonnés, et aujourd’hui encore de nombreuses tribus nomades continuent à vivre au fond des bois. C’est donc surtout dans les vallées les plus reculées et sur les points les plus inaccessibles qu’on peut rencontrer des forêts réellement importantes par l’abondance et l’élévation des arbres, qu’elles renferment.

La plus ancienne au point de vue historique, l’Inde est une contrée relativement nouvelle au point de vue géologique. Elle a surgi du sein des mers bien après les continens de l’Australie et de l’Amérique, que nous sommes cependant habitués à considérer comme plus nouveaux, parce que nous ne les avons connus que plus tard. Dans sa Géographie botanique, M. de Candolle prétend qu’il existe dans l’Amérique septentrionale des arbres du genre taxodium qui n’auraient pas moins de deux ou trois mille ans ; si ceux qui leur ont donné naissance avaient atteint le même âge, il suffirait de deux ou trois générations de : ces arbres pour faire remonter cette contrée au-delà de la période géologique actuelle. M. de Candolle tire la même conclusion de l’existence de marais dans lesquels on aurait trouvé, entassés les uns sur les autres depuis les temps les plus reculés, des amas d’arbres semblables aux espèces contemporaines, et dont la plupart étaient âgés de plusieurs siècles, à en juger par les couches concentriques qu’on a pu compter. D’après cet éminent botaniste, la plupart des végétaux du nord de l’Amérique sont contemporains des mastodontes, c’est-à-dire de l’époque tertiaire, d’où l’on peut conclure que ce continent est bien antérieur aux révolutions qui ont donné à l’Europe et à l’Asie la configuration qu’elles offrent aujourd’hui., C’est sans doute à cette circonstance qu’il faut attribuer la richesse relative de la flore américaine.

Dans l’Inde, le nombre des essences qui peuplent les forêts est également considérable : on, peut l’évaluer à un millier sans compter les variétés infinies d’arbustes et d’arbrisseaux. Si, partant de l’extrémité méridionale de l’Indoustan, on s’avance vers le nord jusqu’au sommet de l’Himalaya, on rencontre sur sa route des espèces propres à tous les climats, depuis celles qui n’appartiennent qu’à la zone tropicale, jusqu’à celles qui caractérisent la flore