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forêts au pied de l’Himalaya et dans les vallées formées par les tributaires du Gange et du Bramapoutra. Le sal croît avec une remarquable rapidité, et atteint de très grandes dimensions lorsqu’il a l’espace nécessaire pour se développer. La tige prend alors un diamètre considérable, et les branches, s’étendant au loin, donnent un ombrage très épais ; il produit en grande abondance des semences qui germent aussitôt tombées, et souvent même pendant qu’elles sont encore suspendues aux branches. Aussi ne peut-on les conserver plusieurs jours ni les transporter à quelque distance. Les semis se font naturellement avec une telle profusion que les jeunes plants se touchent ; ils forment des fourrés impénétrables, et un seul arbre suffit pour assurer la perpétuation de vastes forêts. Plus tenace encore que le teck, le bois de sal est employé dans les constructions et la charronnerie. On en a fait aussi des poteaux télégraphiques et des traverses de chemins de fer.

Le black wood (bois noir), appelé à Madras rose wood, connu en botanique sous le nom de dalbergia latifolia, est un arbre magnifique. Le bois en est noir, à grains serrés, et prend un beau poli, ce qui le fait rechercher pour les ouvrages d’ébénisterie fine. Mentionnons encore le jack (artocarpus integrifolia), dont le fruit, de forme ovoïde, contient une pulpe blanche et farineuse qui lui a fait donner le nom d’arbre à pain ; le vengé (pterocarpus marsupium), qui fournit un suc astringent connu dans le commerce sous le nom de kin ; le poon spars (calophyllum angustifolium), le cèdre déodora, et l’erul (inga xylocarpa), employés dans les constructions et l’ébénisterie. Il en existe beaucoup d’autres encore, qui, soit par les fruits qu’ils portent, soit par les gommes qu’ils distillent peuvent donner des produits précieux : tels sont le ficus elastica, dont on tire la gomme élastique au moyen d’incisions opérées dans le tronc ; l’acacia catechu, qui produit le cachou ; le pinns longi folia, qui secrète une huile de térébenthine. Ces diverses essences croissent tantôt à l’état de massif pur, tantôt mélangées, se groupant suivant les affinités respectives, se répartissant selon les exigences du tempérament de chacune d’elles. Un des traits distinctifs de cette végétation tropicale, c’est qu’elle se trouve soumise à des influences atmosphériques qui varient peu d’un moment de l’année à l’autre. Tandis que dans les climats tempérés le cours des saisons amène successivement la croissance des feuilles, la floraison, la maturation des fruits, ici toutes ces phases se confondent, de sorte que dans une même forêt on rencontre à la fois des arbres dépouillés de feuilles, d’autres couverts de fleurs et de fruits. Les forêts, conservant la même teinte verte pendant toute l’année, ont un aspect uniforme et triste, et ne présentent jamais cette succession