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certain nombre de points, et dans quelques localités, les indigènes en sont réduits à faire usage de bouse de vache séchée au soleil. Tant que les jungles étaient assez abondantes aux alentours des lieux habités, on y puisait à volonté sans que le gouvernement fît rien pour empêcher cette dévastation ; mais peu à peu, ces jungles reculant devant la culture du café et du thé, il fallut prendre des mesures pour assurer au moins la conservation de celles qui par leur position sont destinées à l’approvisionnement des grands centres de population. Les collecteurs ont reçu l’ordre de mettre en réserve les jungles qu’ils jugent convenable de conserver et de veiller à ce qu’on n’en coupe chaque année qu’une partie, de façon à laisser aux arbustes le temps d’atteindre des dimensions suffisantes ; huit années suffisent pour cela. Quant aux jungles qui présentent un intérêt moins immédiat, on autorise les ryots à s’y pourvoir gratuitement du bois dont ils ont besoin, sous la condition qu’ils ne le vendront pas, et qu’ils laisseront sur pied tous les arbres qui, soit pour la qualité du bois, soit pour la valeur des autres produits (écorce, fruits, sucs, etc.), méritent d’être conservés. Les propriétaires indigènes ou zamindars sont moins généreux, et font payer une redevance dans les jungles qui leur appartiennent. Les forges[1], les fabriques de sucre, les chemins de fer font une très grande consommation de bois de chauffage. Plusieurs lignes de railways sont déjà en activité, et avant peu on pourra se rendre sans interruption de Bombay à Calcutta en traversant la presqu’île indienne dans toute sa largeur. Comme il n’existe de charbon de terre que dans la partie méridionale, on est forcé partout ailleurs de recourir au bois pour faire fonctionner les machines ; mais toutes les essences ne sont pas également propres à cet usage : quand elles sont trop légères, les charbons s’échappent tout allumés des cheminées et mettent le feu aux forêts. On évalue la quantité de combustible nécessaire par locomotive et par mille parcouru à 68 livres de bois sec ou 100 livres de bois vert. D’après cette base et en estimant à 100 maunds (3,386 kilogr.) la production ligneuse annuelle par acre de forêt, on a calculé qu’il faudrait

  1. La production du fer est fort ancienne, et la réputation du fameux acier Woutz remonte au temps du roi Porus, qui en envoya un échantillon comme présent à Alexandre. Pour le fabriquer, les Indiens préparent dans le premier endroit venu un petit fourneau d’argile dans lequel ils font chauffer le minerai (oxyde de fer magnétique) mélangé avec du charbon de bois. Le fer ainsi obtenu est concassé, puis jeté dans des creusets avec du bois sec de cassia auriculata et quelques feuilles vertes d’asclepias gigantea. On empile ces creusets en forme d’arceau au nombre de vingt-quatre dans un fourneau, on les couvre de charbon, et on y met le feu. Au bout de deux heures et demie, tout est fini, et les creusets contiennent le fameux acier qui a fait la réputation de Damas.