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n’a entrepris cette tâche que parce qu’elle avait été trop lourde pour les cabinets whigs auxquels il venait de succéder.

Dans ce dédale de dispositions diverses, les unes très anciennes, les autres fort récentes, qui constituent le droit électoral de la Grande-Bretagne, quelques-unes s’appliquent même à la chambre des lords. Celle-ci, chose curieuse et non assez connue en France, est héréditaire pour l’Angleterre, tandis qu’elle est élective pour l’Ecosse et l’Irlande. On essaierait en vain de faire comprendre en peu de mots comment et par quels moyens on devient électeur dans le royaume-uni, et quels sont actuellement les points en litige. Mieux vaut procéder par un exemple qui pourra aider à faire comprendre l’état général de la question.

A part tous les autres moyens d’acquérir le droit électoral, à Londres est électeur tout individu qui, pour la maison qu’il habite ou pour le local qu’il occupe, paie au moins un loyer de 10 livres sterling (250 francs) par an. Dans son projet de réforme, le ministère Russell proposait d’abaisser le cens électoral de façon que tout individu payant annuellement 175 francs de loyer fût mis en état de voter. Après avoir été encouragé par trois ministres, qui depuis ont donné leur démission, à présenter un projet de réforme selon lequel on devenait électeur par une multitude de circonstances diverses, le cabinet de lord Derby, abaissant tout à coup les barrières, a proposé d’appeler à l’urne électorale tout individu occupant un local quelconque pour lequel il aurait payé un impôt à la paroisse. Ce projet, pour Londres et pour d’autres grandes villes, équivaut à peu près au suffrage universel ; il contient cependant diverses dispositions propres à conserver aux classes plus élevées, — aux capacités et à ceux qui sont soumis à l’impôt sur le revenu (income-tax) par exemple, — sinon l’ascendant, du moins un poids considérable dans les élections. Parmi ces dispositions figurait en première ligne le double vote accordé aux plus imposés ; mais ce double vote a soulevé de telles objections, qu’interpellé sur le point de savoir s’il en faisait une question du cabinet, M. Disraeli n’a pas osé d’abord donner une réponse positive, et, après s’être escrimé aussi longuement que possible, il a fini par l’abandonner. D’autres dispositions ayant le même but seront-elles moins sérieusement attaquées ou plus fortement défendues ? C’est ce qu’un avenir prochain nous apprendra.

A l’idée que le cabinet conservateur voulait faire des réserves et établir des compensations en faveur des classes les plus éclairées, le parti démocratique a jeté feu et flamme. On a d’abord demandé pour la forme le suffrage universel. Tout prouve qu’on veut en réalité le suffrage pour les ouvriers des villes seulement et non pas