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M. Gladstone, si agressif la veille, ne dit que quelques mots sur une question incidente. Enfin le projet de loi ayant été lu sans opposition une seconde, fois, on s’est promis de travailler d’accord pour donner à l’œuvre du ministère tory toute la perfection possible.

Malgré la prédiction rassurante de M. Bright, annonçant que, si l’on y introduisait certaines améliorations, le projet de loi serait accepté par les classes ouvrières et qu’on fermerait les bureaux de la Reform league, ce nouveau baiser Lamourette est-il destiné à produire de meilleurs fruits que l’ancien ? Au parlement, où les luttes ont immédiatement recommencé de plus belle, la réponse à cette question ne s’est pas fait attendre, et quant aux ouvriers ce n’est pas au parlement que sont aujourd’hui leurs véritables chefs ; ce sont des gens tels que M. Jones, M. Bradlaugh, M. Beales, vivant en constante communication avec eux, les haranguant sur la place publique, qui ont leur confiance et leurs sympathies. Déjà l’année dernière M. Bright a dû s’entendre dire qu’il n’était nullement nécessaire qu’il assistât aux réunions des ouvriers, et qu’on n’avait pas besoin de lui. Quant à M. Gladstone, il paraît positif que, tout en l’employant comme un instrument très utile, pour ouvrir les portes du parlement, les démocrates ne se cachent pas pour dire qu’au fond il n’y a aucune différence entre lui et M. Disraeli. D’après quelques symptômes, on serait porté à croire que M. Gladstone a lui-même le sentiment de la difficulté de sa position ; autrement comment expliquer ses excessives politesses à l’égard de gens qui couvrent d’ordures et de boue la chambre des communes, et qui se croient des modèles d’urbanité lorsqu’ils disent que les membres du parlement ne s’entendent pas plus à la question des trade’s unions que ne le ferait un cochon à prendre des homards ? N’est-il pas déplorable de voir un homme de son talent écouter avec un sérieux imperturbable les objections des ouvriers contre l’extension du droit électoral à ceux qui ont placé leurs économies à ces mêmes caisses d’épargne pour lesquelles M. Gladstone a tant travaillé ? Est-il vraiment persuadé, comme le lui disent en face ces comités démocratiques avec lesquels il est en communication si fréquence, que les gens économes sont des égoïstes indignes d’être électeurs ? Au moins M. Disraeli sait dire avec désinvolture aux députations démocrates qu’il y a dans le pays d’autres opinions opposées aux leurs et aussi extrêmes que les leurs, et que, si l’on ne se fait pas des concessions réciproques, on n’arrivera jamais à une solution. M. Gladstone craint trop de blesser les oreilles de ses nouveaux amis pour se permettre de pareilles licences ; il ne cesse de les admirer et de les flatter dans ses discours ; il leur écrit comme le ferait un petit garçon à ses professeurs, et leur demande en toutes lettres pardon