Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/977

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

deviendrait encore plus inutile ; mais la théorie du pouvoir absolu n’est ici qu’un accident de circonstance ; elle tranche avec le reste de la doctrine. L’économie politique a bien su se débarrasser de cet alliage, et il n’est resté que la distinction entre les questions de l’ordre social et les questions de l’ordre politique, distinction féconde qui doit un jour mettre un terme aux vaines discussions sur la nature des gouvernemens en confondant tous les intérêts.

« 3. — Que le souverain et la nation ne perdent jamais de vue que la terre est l’unique source des richesses et que c’est l’agriculture qui les multiplie, car l’augmentation des richesses assure celle de la population ; les hommes et les richesses font prospérer l’agriculture, étendent le commerce, animent l’industrie.

« 4. — Que la propriété des biens fonds et des richesses mobilières soit assurée à ceux qui en sont les possesseurs légitimes, car la sûreté de la propriété est le fondement essentiel de l’ordre économique de la société. C’est la sûreté de la possession permanente qui provoque le travail et l’emploi des richesses à l’amélioration et à la culture des terres et aux entreprises du commerce et de l’industrie. »

Voilà l’essence du système, et si l’école de Quesnay s’en était tenue aux termes de ces deux propositions, elle n’aurait pas rencontré tant de résistances. Le mot de classe stérile a disparu. Parmi les bienfaits de l’agriculture, Quesnay range au contraire l’impulsion donnée à l’industrie et au commerce par l’accroissement de la population. La solidarité de tous les travaux productifs se trouve ainsi clairement indiquée. Dans sa prédilection pour l’agriculture, Quesnay néglige de mentionner l’industrie extractive, qui a pour but d’exploiter les mines et carrières, mais ses disciples ont rempli cette lacune ; il y a d’ailleurs dans les idées de l’école cette différence entre l’industrie extractive et l’agriculture, que l’une se contente d’extraire des matériaux qu’elle ne reproduit pas, tandis que l’autre reproduit à l’infini les substances végétales et animales livrées à la consommation.

La quatrième maxime contient à elle seule le résumé de toutes les sciences sociales. La sûreté de la propriété, qui entraîne celle de la personne, tel est le fondement de cet ordre naturel imposé par Dieu même aux sociétés humaines et revendiqué par Quesnay. Les lois positives, qu’elles soient civiles, politiques ou économiques, n’ont de valeur qu’autant qu’elles découlent de cette source supérieure, vérité qui doit être pour le monde moral ce qu’est la loi de la gravitation pour le monde physique, et qui monte de plus en plus à l’horizon comme le phare futur de l’humanité. Le premier qui l’ait vraiment formulée est Locke dans son Essai sur le