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dans les villes. Cette maxime se termine par l’énonciation d’une vérité trop méconnue même de nos jours : ce sont moins les hommes que les richesses qu’il faut attirer dans les campagnes. Le mot attirer n’est pas complètement exact, c’est retenir qu’il faudrait dire, car il n’y a rien à faire pour attirer la richesse, il suffit de ne pas l’enlever à mesure qu’elle se forme. Le gouvernement, effrayé de l’état des campagnes, s’efforçait d’y refouler la population laborieuse sans s’apercevoir qu’il était lui-même la principale cause du mal. Les richesses fuyaient les campagnes, et les hommes suivaient les richesses ; on voit que les griefs dont se plaint aujourd’hui l’agriculture remontent bien haut. De notre temps, les causes principales qui détournaient les fils des riches cultivateurs de la vie rurale ont disparu ; mais il s’en est formé d’autres, et elles trouvent un puissant appui dans le souvenir des anciennes servitudes rurales. C’est par là que les mœurs françaises se distinguent malheureusement des mœurs anglaises et allemandes.

Vient ensuite un principe qui est aujourd’hui tout à fait gagné, la liberté de la culture. On était loin d’admettre alors que les cultivateurs dussent être libres de varier à leur gré leurs produits : sous le prétexte spécieux d’assurer la subsistance publique, l’autorité intervenait à tout instant pour ordonner ou interdire telle ou telle culture. Il était défendu par exemple de planter des vignes sans autorisation, et le dernier édit qui renouvelait cette prohibition était de 1747, dix ans seulement avant les premiers écrits de Quesnay. Après les réclamations des économistes, il n’y eut plus de nouveaux édits contre la liberté des cultures ; mais les anciens ne furent pas révoqués, et les intendans conservèrent le droit arbitraire de les exécuter. Les édits de Turgot posèrent le principe de la liberté, mais sans réussir encore à le faire accepter sans réserve ; il n’a été définitivement assuré que par la loi de 1791 sur les biens et usages ruraux, rédigée par un économiste-agriculteur de l’école de Quesnay, Heurtault de Lamerville. Le second article de cette loi reproduit presque mot à mot la maxime du maître : « les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture et l’exploitation de leurs terres, de conserver à leur gré leurs récoltes, et de disposer de toutes les productions de leur propriété. » La loi tout entière n’est que l’application de ce principe, un de ceux qui ont le plus contribué au développement agricole. La vigne entre autres est devenue une de nos premières richesses, et l’extension qu’elle a prise n’a nullement nui, comme on le craignait, à la production des céréales.

La maxime suivante contient encore aujourd’hui le dernier mot de la science agricole : la nécessité des engrais pour la multiplica-