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« 27. — Que le gouvernement soit moins occupé du soin d’épargner que des opérations nécessaires pour la prospérité du royaume, car de très grandes dépenses peuvent cesser d’être excessives par l’augmentation des revenus ; mais il ne faut pas confondre les abus avec les simples dépenses, car les abus pourraient engloutir toutes les richesses de la nation et du souverain. »

Ici Quesnay condamne énergiquement les abus, c’est-à-dire les dépenses improductives de l’état, tout en acceptant et même en recommandant les dépenses utiles. Il manque un complément à sa pensée. Même pour les dépenses productives, l’état doit s’imposer certaines bornes, car l’argent laissé entre les mains des contribuables peut être plus productif encore, et plus les dépenses d’un état s’élèvent, plus il y a de chances pour qu’il s’y glisse des dépenses improductives. Quesnay avait sans doute voulu ménager les administrateurs de la fortune publique ; au fond, il s’engageait assez peu, car il avait d’avance limité l’impôt.

« 28. — Que l’administration des finances, soit dans la perception des impôts, soit dans les dépenses du gouvernement, n’occasionne pas de fortunes pécuniaires, qui dérobent une partie des revenus à la circulation, à la distribution et à la reproduction.

« 29. — Qu’on n’espère de ressources pour les besoins extraordinaires d’un état que de la prospérité de la nation et non du crédit des financiers, car les fortunes pécuniaires sont des richesses clandestines qui ne connaissent ni roi ni patrie.

« 30. — Que l’état évite des emprunts qui forment des rentes financières, qui le chargent de dettes dévorantes, et qui occasionnent un commerce ou trafic de finances, par l’entremise de papiers commerçables, où l’escompte augmente de plus en plus les fortunes pécuniaires stériles. »

Quesnay se donne, en terminant, pleine carrière pour blâmer l’administration financière de son temps, qui est un peu celle de tous les temps. Il écarte du trésor public ces traitans que la sanglante comédie de Turcaret venait de flétrir, et dont les fortunes scandaleuses contrastaient avec la gêne universelle ; il repousse la désastreuse ressource des emprunts dont on avait fait un immense abus sous Louis XIV, et qui, après les banqueroutes plus ou moins déguisées de la régence, avaient reparu avec leurs funestes conséquences. Comme il arrive presque toujours en pareil cas, il manifeste sa réprobation en termes trop généraux, car l’emprunt peut, dans des cas urgens, devenir nécessaire ; mais neuf fois sur dix les emprunts publics ne présentent pas ce caractère d’extrême nécessité, et au moment où Quesnay écrivait, on en contractait pour plus d’un milliard afin de soutenir l’inutile et désastreuse guerre de sept ans. Sa protestation se justifiait d’autant plus que les emprunts comme le luxe avaient trouvé des défenseurs. Melon entre