Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/991

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

autres avait soutenu que l’état ne s’appauvrissait pas par des emprunts, et que c’était uniquement la main droite qui prêtait à la main gauche, à quoi il est facile de répondre, en suivant la métaphore, que la main droite travaille et produit, tandis que la main gauche reste inactive, et qu’en vidant l’une pour remplir l’autre on ne peut manquer de se ruiner.

Voilà donc résumée en trente phrases d’un style lapidaire toute la doctrine de Quesnay : prééminence d’une autorité unique sur toute autre forme de gouvernement, mais à la condition que la nation soit parfaitement instruite des lois qu’il ne faut jamais enfreindre ; les sociétés humaines soumises par Dieu même à un ordre naturel, et cet ordre ayant pour fondement la sûreté de la propriété ; la terre exploitée par l’agriculture, unique source de la richesse, et l’industrie et le commerce n’ayant d’autre fonction que de façonner ou de transporter les matières premières qu’elle fournit ; l’agriculture donnant seule un produit net en sus des frais de production, et la prospérité nationale exprimée par la plus grande élévation possible de la rente du sol ; tous les impôts indirects supprimés et remplacés par un simple prélèvement de l’état sur le produit net des terres, et par ce moyen le produit total des impôts réduit de moitié ; les avances nécessaires à la culture ménagées et accrues autant que possible, et les richesses attirées ou retenues dans les campagnes ; liberté absolue de la culture, multiplication des bestiaux, établissement de grandes fermes pour la production des grains ; libre exportation des céréales et ouverture de nouveaux débouchés à l’intérieur par des chemins et des voies navigables ; plus d’efforts de la part du gouvernement pour faire baisser le prix des subsistances, et respect du bon prix qui favorise la production ; guerre au luxe public et privé ; liberté complète du commerce et abolition du système mercantile ; augmentation de la population par l’accroissement des subsistances et non par des encouragemens directs ; plus de fermes-générales, plus de traitans, plus d’emprunts publics, plus de ces richesses clandestines qui ne commissent ni roi ni patrie. À part la théorie du pouvoir absolu, la définition trop exclusive du produit net et l’impôt unique sur le sol, ce programme est encore excellent, et les parties défectueuses sont plutôt des exagérations que des erreurs radicales.

Outre ses Maximes, Quesnay a très peu écrit. On lui attribue plusieurs articles publiés dans les journaux du temps sous le pseudonyme de Nisaque, anagramme de son nom, et qui ne contiennent que des développemens et des répétitions. Le meilleur de ces opuscules est intitulé du Droit naturel. On y trouve la formule la plus précise de ses idées sur le gouvernement. « Il y a, dit-il, des sociétés qui sont gouvernées, les unes par une autorité monar-