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ressés de la France et de l’Angleterre auront toujours à Constantinople une influence plus efficace en faveur des populations chrétiennes que des menées insidieuses et des vues égoïstes comme celles de la Russie. Il faut se garder surtout de mêler à la question d’Orient des préventions religieuses. Ce n’est point le musulmanisme qui a fait les maux des chrétiens d’Orient ; c’est bien plutôt l’affreuse décomposition produite par l’état religieux, politique et moral qu’on appelle le byzantinisme. Certes l’Occident n’a point assez de foi chrétienne pour donner un prétexte religieux à un assaut dirigé contre le gouvernement ottoman et la race turque. Il y a quelque chose d’odieux dans la pensée des esprits frivoles, qui voudraient chasser d’Europe les populations turques parce qu’elles sont musulmanes. Les croisés du moyen âge étaient probablement de meilleurs chrétiens que nous ; cependant, en marchant à la délivrance du tombeau du Christ, ils se virent obligés par la lâcheté et les perfidies du gouvernement byzantin, de tenter la fondation d’un empire franc à Constantinople. Pouvons-nous oublier que c’est le fanatisme, puéril du clergé grec disputant aux chrétiens du rite latin le droit de placer des insignes dans les lieux saints qui nous a forcés, il y a treize ans, de faire contre la Russie la guerre de Crimée ? Parmi les populations chrétiennes directement soumises au gouvernement ottoman, la trace arménienne est celle qui a toujours montré les qualités les plus conformes à la civilisation occidentale. Plusieurs des agens actuels les plus intelligens et les plus estimés de l’administration turque sont des Arméniens ; or la race arménienne est presque la seule qui ne fatigue point l’Europe de ses doléances. Qu’on se serve des bonnes dispositions que nous témoigne le gouvernement, russe pour pacifier l’Orient et obtenir de la docilité si constante de la Porte des avantages pratiques pour les populations chrétiennes ; si l’on allait au-delà, si l’on ne craignait point de donner un concours aux vieux desseins moscovites, si l’on s’exposait à précipiter par des combinaisons aventureuses la dissolution de l’Orient, on déserterait encore une des traditions les plus saines de la politique française, et on continuerait la série des déceptions étourdissantes que nous parcourons depuis six ans dans l’ancien et le nouveau monde. L’avantage pour la France de la politique sage et juste en Orient, c’est de nous ouvrir la voie la plus naturelle et la plus digne à l’alliance de l’Angleterre. Le flegme britannique se révèle en ce moment à l’égard de la Turquie sous une forme plaisante. La reine d’Angleterre a trois jarretières à donner : elle en destine une à l’empereur d’Autriche, et, sans admettre de différence entre un prince orthodoxe et un prince musulman elle réserve les deux autres au tsar, vicaire temporel du Christ, et au sultan, commandeur des croyans. N’est-ce pas de l’impartialité ? ; est-il possible de se montrer plus tolérant ?

La conduite des travaux du corps législatif est une singularité que nous avons signalée depuis quelque temps ; les inconvéniens du système suivi