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ce sentiment sont divers. Ces moyens sont directs ou indirects, suivant les constitutions. Ils sont directs aux États-Unis : les chambres y dominent directement le pouvoir exécutif. L’assemblée des représentans et le sénat ont seuls l’initiative législative, et le président ne peut balancer cette initiative que par un veto suspensif, ordinairement peu efficace : le sénat possède un veto bien plus énergique contre les actes du pouvoir exécutif, car des places importantes ne peuvent être données sans son approbation. En Angleterre et dans les monarchies vraiment constitutionnelles, les organes de l’exécutif, les ministres sont pris dans les chambres, et sont même portés au pouvoir par les partis, qui impriment aux assemblées l’unité de conduite et leur inspirent une marche suivie. Dans le système français, il y a une lacune entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ; les hommes de l’un ne sont point les hommes de l’autre ; les ministres ne sont point liés à l’assemblée représentative par un même mandat. La réforme qui a ouvert aux ministres l’accès du corps législatif comme orateurs et non comme députés ne pouvait suffire à combler cette lacune. De là l’incohérence, l’indécision ou la mollesse que l’on remarque et que l’on regrette parfois même au sein du gouvernement dans cette assemblée. L’expérience ici fait entendre ses leçons ; le gouvernement rencontrera bien des difficultés pour l’expédition des affaires, s’il ne veut point reconnaître et corriger les imperfections de son mécanisme qui lui sont révélées, en dehors de toute controverse de parti et de toute théorie spéculative, par l’enchaînement naturel des choses et par la force des faits.

Au fond, ce ne sont ni les lumières, ni le zèle, ni le goût et la passion même du débat qui manquent à notre corps législatif. On vient d’en voir un exemple dans la discussion prolongée et passionnée à laquelle la loi sur les sociétés commerciales a donné lieu. Deux courans contradictoires se sont rencontrés dans la rédaction de cette loi, un courant libéral et un courant restrictif, et il en est résulté un amalgame législatif qui, nous le craignons fort, se prêtera difficilement aux lois naturelles de l’association des capitaux dans la fondation des entreprises intelligentes et honnêtes. Les associations, comme toutes les formes de l’activité commerciale, ont besoin de la liberté la plus large ; il est impossible au législateur d’en prévoir et d’en fixer d’avance toutes les combinaisons ; il est dangereux surtout de multiplier autour des lois qui doivent encourager les entreprises du capital et du travail des pénalités qui effarouchent la sécurité et l’honneur du commerce. Cet inconvénient et ce péril n’ont point été évités dans la loi des sociétés. Au système libéral esquissé par M. Émile Ollivier, on a préféré la liberté restreinte et rendue menaçante par l’appareil des dispositions pénates. Cette discussion offrait un terrain naturel aux critiques qu’ont pu mériter la constitution et la conduite de certaines grandes compagnies créées depuis quinze ans. Un député surtout, M. Pouyer-Quertier, a fait entendre à ce sujet des déclamations passionnées. Quelques-unes des