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les citoyens de la protestante Angleterre, le souverain pontife avait repoussé toutes leurs offres. Ses secrètes sympathies, loin de s’être portées du côté du très catholique souverain de l’Autriche, étaient tout entières acquises à celui qui allait, après le triomphe, se montrer si injurieusement cruel à son égard ; mais, comme il arrive trop fréquemment en ce monde, la violence même de ces récriminations si imméritées était destinée à faire naître chez l’innocente victime de tant d’injustes soupçons la disposition d’esprit dont Napoléon se plaignait alors sans motif. La moitié de l’année ne s’était pas en effet écoulée que, dans la capitale de l’Autriche humiliée, le nonce de sa sainteté s’adressait en secret à sir Robert Adair, l’ambassadeur d’Angleterre à Vienne. Il était chargé de lui dire que, « le gouvernement de sa sainteté ayant été sommé de signer un traité avec la France pour lui livrer toutes ses forteresses et exclure les Anglais de tous ses ports, le pape s’y était une première fois refusé avec beaucoup d’énergie et de dignité ; mais, dans une conversation qui avait eu lieu à Paris entre Napoléon et le cardinal Caprara le 3 juillet 1806, cette demande venait d’être renouvelée avec la menace, en cas de refus ou d’hésitation, de s’emparer à l’instant même de tous les états de sa sainteté… » — « Dans les circonstances qui m’ont été relatées par le nonce, je n’ai pas hésité, ajoute le ministre d’Angleterre à Vienne, à lui déclarer que, si des événemens de force majeure obligeaient le pape à chercher un asile temporaire dans des contrées placées sous la protection des armes de sa majesté britannique, il y serait reçu avec toutes les marques convenables de déférence et de respect[1]. »

Cette offre de l’hospitalité anglaise ne devait jamais être mise à profit par le chef de la catholicité ; nous ne savons pas si Pie VII songea jamais à y recourir. N’est-il pas déjà bien singulier et vraiment digne de remarque qu’une semblable proposition ait pu lui être aussi naturellement adressée, dans l’année même qui suivit l’entrevue de Fontainebleau et la cérémonie du sacre ?


D’HAUSSONVILLE.

  1. M. Adair to M. secretary Fox. Vienna, august 11, 1806.