Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(high-church)[1]. Ils ne disaient plus l’église anglicane fille du XVIe siècle et née du droit primordial qui appartient à toute société chrétienne, celui de se gouverner elle-même : ils proclamaient au contraire cette église partie inhérente de la grande église catholique visible, perpétuée jusqu’à eux par la succession apostolique. A leurs yeux, Rome était l’église-mère qui avait donné naissance à l’église d’Angleterre ; mais, vierge folle, Rome avait laissé éteindre la lampe sainte, et la nuit de l’erreur s’était étendue sur ses yeux, tandis que, vierge sage, l’église d’Angleterre continuait sa route dans la voie du Seigneur. Bientôt ces théologiens déclarèrent l’église anglicane en communion parfaite avec les églises grecque et latine ; ces trois églises formaient des branches s’élançant d’un même tronc, des membres au service d’un même corps, en un mot des parties indivisibles de la grande unité catholique. En même temps le rituel maudit par la réforme était remis en honneur et imposé à tout le peuple. Au grand scandale du vieux parti puritain, on vit reparaître dans la maison de Dieu « la livrée de la bête ; » la croix se montra au faîte des cathédrales, les stalles se remplirent de servans vêtus de surplis ; l’orgue fit entendre ses chants alternés de chœurs, tandis que devant l’autel s’agenouillait le clergyman vêtu de l’aube et de l’étole.

Politique autant que religieuse, la doctrine de Laud et de Bramhall frappait la réforme dans son principe même. Aussi, par haine des niveleurs, les Stuarts se firent-ils les défenseurs jurés de cette haute-église. Sous leur impulsion, elle fit de rapides progrès, il n’y eut plus de faveurs que pour elle : doyennés, archidiaconats, évêchés, tout fut à sa discrétion. Cependant la high-church ne tarda pas à rencontrer une résistance terrible, d’abord chez les dissidens, bientôt dans la low-church. Cette basse-église formait une fraction de l’établissement ; mais dans son protestantisme farouche elle éprouvait une violente aversion contre Rome et contre les Stuarts. Toutes ces théories de succession apostolique lui semblaient autant d’attentats à la liberté, et la liturgie de l’archevêque Laud une avance faite au papisme. Tout en restant dans l’observance des trente-neuf articles et du Prayer-book, conditions essentielles pour demeurer dans l’établissement, les membres de la low-church s’entendaient avec les non-conformistes pour repousser la théologie nouvelle ; eux aussi, ils se mirent à proscrire le symbolisme extérieur : plus de croix, plus d’autel, plus de parure mondaine ; une chaire pour la parole de Christ, une robe noire pour son ministre, le chant

  1. Les expressions de haute et basse-église ne servirent à désigner officiellement les deux fractions rivales de l’établissement qu’après la révolution de 1688, à l’occasion de la résistance des non-jurors.