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donné par M. Newmann, les plus hardis des membres du mouvement renoncèrent à leurs fonctions ecclésiastiques. En même temps l’évêque d’Oxford déclarait vouloir connaître des doctrines émises dans le sermon de la transsubstantiation et citait le docteur Pusey devant son autorité diocésaine ; mais l’université déclina cette compétence, et, affirmant ses franchises, évoqua spécialement l’affaire. Pour éviter un conflit, le docteur Pusey crut sage de quitter Christ-church, il se démit de ses fonctions et se réfugia dans la retraite.

Ainsi en quelques années le tractarianisme était arrivé à ces trois résultats : négation d’une partie de la théologie protestante, reconnaissance de la plupart des dogmes de l’église catholique, rejet de la liberté d’interprétation. Ces résultats au reste n’étaient encore que vagues et indécis : beaucoup d’attaques, aucun corps de doctrines, nul système général. Dans cette première phase de son existence, le mouvement s’était borné à une vive critique de la réforme, il allait entrer dans une tout autre voie. Sous la haute direction du docteur Pusey, une formule nouvelle devait sortir de cette œuvre à peine ébauchée. Il fallait absolument rassurer l’établissement alarmé, et lui prouver que, loin d’aller vers Rome, les nouveaux apôtres s’efforçaient d’élever une digue contre des empiétemens possibles. L’épiscopat leur était hostile, c’était dans l’épiscopat qu’à l’avenir ils voulaient chercher aide et protection. Alors se construisit pièce à pièce un édifice élevé sans aucun doute sur le plan jadis tracé par les théologiens du XVIIe siècle, mais complété par la science et par la raison modernes, l’anglo-catholicisme. Essayons en quelques mots d’exposer la doctrine de cette église.


III

S’appuyant à la fois sur la métaphysique et sur l’histoire, l’anglo-catholicisme veut arriver à deux résultats : établir en face de Rome la coégalité de toutes les églises épiscopales, et, malgré les dénégations des écoles protestantes, prouver l’autorité de l’église universelle, ainsi que sa propre autorité, appuyée sur la succession apostolique. Ses principaux argumens métaphysiques peuvent se résumer ainsi.

Christ, en venant sur la terre, a institué son église, c’est-à-dire la réunion des fidèles qui croient en lui. À cette église appartient l’autorité légale et le pouvoir exclusif de déclarer la vérité. Société visible et universelle, elle a l’unité pour essence. L’unité en effet est le don immédiat de Dieu et le résultat de l’amour mutuel des croyans,