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M. Valentino Pasini, envoyé de Venise… Il est persuadé que Venise peut se défendre longtemps encore. Il ne croit pas désespérée la cause de la liberté. Il pense que, tout bien pesé, le peuple a plus gagné que perdu, et que si l’Italie peut être encore vaincue, même plus d’une fois, elle ne peut plus être mise sous le joug et dominée. — Analogie entre les conditions de l’Italie et celles de l’Allemagne : vrai et seul obstacle, les maisons princières. — Il assure que les masses populaires sont plus progressives en Italie qu’en France, où dans les départemens il y a beaucoup d’ignorance. Plaintes amères sur la direction des choses en France. Espoir d’un prochain redressement. Jugemens très justes sur nos affaires d’Allemagne. Belle parole, œil vif, beaucoup de feu sous un extérieur calme. » C’était le diplomate vénète au moral et au physique.

Malgré tout, pendant bien des mois, Pasini attendit beaucoup de la France. Il devenait même embarrassant quelquefois par sa confiance au moins apparente, par sa pressante logique, par la netteté avec laquelle il rappelait les engagemens qu’on avait pris, ou mettait en relief les intérêts de la politique française. Il ne pouvait cependant se faire indéfiniment illusion, et sans abdiquer le droit il était bien obligé à la fin de le voiler un peu, d’admettre comme une possibilité quelqu’un de ces projets qu’on mettait alors en avant : Venise seule affranchie et constituée en ville libre, — un royaume lombard-vénitien constitutionnel avec ou sans un prince autrichien. En véritable Italien, il eût préféré, lui, l’autonomie lombardo-vénitienne ; qui réservait mieux l’avenir. Au fond, de toutes ces combinaisons, l’une n’avait pas plus de chances que l’autre, surtout après Novare, quand Venise restait seule vouée à une inévitable défaite. Lorsque Pasini n’espéra plus rien de la diplomatie européenne, il voulut faire une dernière tentative, autorisée d’ailleurs par Manin. Avec une lettre de lord Palmerston qui lui ouvrit le chemin, il se rendit à Vienne pour essayer d’ouvrir une négociation directe, mais là il se trouvait en face de l’ennemi le plus intraitable de l’Italie, le prince Schwartzenberg, qui le recevait sans doute courtoisement, puisqu’il l’avait laissé arriver jusqu’à Vienne, qui l’écoutait même volontiers, et en définitive persistait à demander une soumission entière et absolue.

On était au mois d’août 1849. Pendant quelques jours encore, Pasini recevait des dépêches de Manin ; puis il ne reçut plus rien. Venise exténuée avait fini par succomber. La position de Pasini devenait embarrassante. Le maréchal Radetzky prit soin de l’éclairer sur son sort en inscrivant son nom sur une liste de quatre-vingts personnes bannies des provinces lombardo-vénitiennes. Au premier moment, on s’émut un peu à Vienne. Les ministres