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homme qui n’avait rien abdiqué, rien trahi. Il continuait à faire ce qu’il pouvait dans l’intérêt du pays, à multiplier ses études économiques, lorsque l’archiduc Maximilien arrivait en 1857 comme gouverneur de la Lombardo-Vénétie. L’archiduc Maximilien, on le sait, était un prince plein de toute sorte de velléités libérales ; seulement il ne savait que faire. On lui conseilla de consulter Pasini, de lui demander un mémoire. Pasini consentit, mais à une condition : c’est que dans ce mémoire tout financier il pourrait dire librement ce qu’il pensait, il n’aurait à employer aucune formule officielle. Une fois en possession de ce mémoire, qui était tout simplement un acte d’accusation contre l’administration financière de l’Autriche, l’archiduc Maximilien n’était pas beaucoup plus fixé sur ce qu’il y avait à faire, parce qu’il y aurait eu trop à faire. On lui persuada alors devoir Pasini lui-même ; Pasini consentit encore, et un jour l’archiduc, arrivant de Trieste, Pasini, venant de sa villa d’Arcugnano, se rencontrèrent à Venise. Ils eurent une conférence de trois heures. Le mémoire qui avait été remis fut lu et discuté. A chaque doute de l’archiduc, Pasini répondait avec sa précision habituelle. Maximilien ne s’en tint pas au mémoire et aux finances ; il rappela à son interlocuteur la mission qu’il avait remplie à Vienne en 1849, les combinaisons qu’il avait présentées dans l’intérêt de la Lombardo-Vénétie, et il exprimait la confiance personnelle qu’il obtiendrait aujourd’hui ce qu’on n’avait pu obtenir alors, qu’on arriverait ainsi à la conciliation des esprits. Pasini répondit sans détour que depuis ce temps beaucoup de choses s’étaient passées, que la désaffection s’était répandue partout, et que, quant à lui, il ne croyait pas à la possibilité d’une conciliation. Le prince persista dans ses espérances, Pasini persista dans son doute, et l’entretien en resta là. Au moment où Pasini sortait, Maximilien le retint à déjeuner à l’improviste, et, selon le mot de M. Bonghi, « l’ancien exilé s’assit à la tablé de celui dont le frère l’avait envoyé en exil. » Le prince et le citoyen s’étaient expliqués, ils savaient qu’ils n’avaient rien à attendre l’un de l’autre.

Ce fut tout, et cet incident, dont on ne connaissait pas les détails, suffit pour raviver tous les soupçons, toutes les rumeurs qui représentaient déjà le Vicentin comme la brillante conquête du libéral archiduc. Pasini en souffrait sans vouloir descendre à des justifications inutiles. Il resta d’ailleurs après cela peu de temps à Vicence. Vers l’automne de 1858, il allait s’établir à Florence, et c’est là que les événemens de 1859 venaient le surprendre. Il se retrouvait là au milieu d’un mouvement qu’il n’avait pu suivre de près depuis quelques années, qui s’était prodigieusement agrandi et accéléré. Un mot du chef du ministère anglais de cette époque