Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

légitime satisfaction d’avoir mis la Bavière à l’abri des appétits prussiens. La Bavière se croyait en sûreté, il est vrai ; mais les moyens par lesquels cette sûreté avait été obtenue, les fins qu’elle se proposait, étaient alors dérobés à la sagacité de notre ministre.

Il n’est point interdit d’imaginer qu’au moment où on laissa tomber les pourparlers si peu efficaces, si peu opportuns, qu’on avait entamés avec M. de Bismark à propos des compensations territoriales demandées pour la France, notre diplomatie dut faire quelques réserves au sujet du Luxembourg. Il n’est point non plus défendu de croire que M. de Bismark, pour mieux assurer sa résistance sur le terrain purement germanique, se montra plus pliant sur l’affaire luxembourgeoise. Il dut en parler comme d’une chose qui intéressait médiocrement la Prusse et l’Allemagne, et qu’on arrangerait sans doute à l’amiable quand on serait de loisir. Les inquiétudes du roi de Hollande, ses avances du côté de la France ou du moins la négociation boiteuse qui s’engagea pour la cession du grand-duché, ne durent point échapper à l’attention du premier ministre prussien. On le croyait assez averti pour ne point s’attendre de sa part à une opposition acrimonieuse. D’après ce qu’on entendait rapporter du langage de M. de Bismark, il semblait que le Luxembourg ne fût pour lui qu’une importunité et un ennui. Dans ses boutades nerveuses, harassé des fatigues qu’il trouve dans les sérieux et compliqués labeurs de son œuvre allemande, le fougueux Prussien eût volontiers donné le grand-duché au diable. Qu’avait-il à faire pour l’Allemagne protestante et progressive du nord de ce coin de terre habité par une petite population arriérée et cléricale ? M. de Bismark trouve qu’il a déjà assez de catholiques comme cela. Il donnerait beaucoup, avait-il l’air de dire, pour que pas un de ces honnêtes Luxembourgeois ne jargonnât et ne comprît un seul mot d’allemand. Une mesquine tracasserie avec laquelle il eût bien voulu en finir, voilà ce que le grand-duché était pour M. de Bismark, et il affectait de maugréer et de pester contre ceux qui lui mettaient cet embarras sur la route. Le tort du président du conseil prussien, s’il nous est permis de critiquer la façon dont un homme d’état étranger comprend les intérêts de son pays et les nécessités de sa conduite, c’est de n’avoir point voulu saisir ce qu’il y a de simple et d’essentiel dans la question du Luxembourg, et de n’avoir point pris le parti d’en finir par une résolution nette et rapide avec cette difficulté agaçante. Ce qu’il y avait de simple et d’essentiel, c’était la fin de l’occupation de la forteresse par la Prusse. M. de Bismark eût dû préparer l’esprit du roi et l’opinion de l’Allemagne à ce dénoûment naturel et inévitable ; il eût pu se faire un mérite envers la France de la bonne grâce de sa concession. Telle n’a point été sa conduite ; il paraît que pour le roi de Prusse la lettre du roi de Hollande communiquant le dessein de la cession du Luxembourg à la France a été une surprise ; l’émotion du roi a été sur-le-champ aggravée par les susceptibilités du parti militaire, par