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la nature, qui a sa loi d’équilibre dans les âmes comme dans les corps, et la foule, qui applaudit à ce qui allume le sang ou irrite les nerfs, se fatigue de ces émotions toujours les mêmes. Sachons gré aussi à ceux qui remettent sous nos yeux l’exemplaire de la vraie beauté. Nous n’aurions que des éloges pour la belle et simple conception d’Atalanta, si nous n’étions obligé de faire des réserves sur la pensée morale de l’œuvre.

L’autre mérite que nous ayons indiqué, c’est la tragique éloquence qui anime ces pages, non que le poète ait trouvé le secret de ces conflits qui mettent la scène en feu, de ces dialogues dramatiques qui posent un problème moral et en poursuivent la solution devant un auditoire haletant de crainte ou d’admiration. Ce qu’il nous donne, c’est le développement d’une émotion le plus souvent pénible, il est vrai, mais forte, ce sont des jours odieux et terribles ouverts dans l’âme humaine. Il a des pages touchantes et douces, comme le discours fier et virginal de son Atalante, aussi fraîche, aussi pure que les forêts consacrées à Diane, ou les plaintes mélodieuses de son Méléagre résigné, qui meurt sans accuser une mère cruelle ; mais ce qu’il importe d’étudier dans cette œuvre, c’est le développement de l’âme orgueilleuse et farouche. d’Althée. La tragédie est toute avec elle, penchée sur le foyer où elle va jeter le tison fatal.

Deux sentimens impérieux se partagent cette âme, l’amour, de son fils, dont elle tient la vie entre ses mains, l’amour de ses frères, que son fils a tués. De quel amour cette âme implacable aime-t-elle son fils ? Elle aime en lui sa beauté : « ô mon premier-né, le plus beau de tous ! » Elle aime en lui le souvenir de ces doux yeux, de cette bouche souriante qui tirait la vie de son sein, l’image de ces petits genoux mal assurés, de ces pieds délicats et timides qui s’essayaient à la marche, de ces joues que des baisers légers suffisaient à rendre rouges, de ces cheveux dont les boucles étaient autant de fleurs. Elle aime, en lui l’espérance d’un enfant royal, d’un vaillant guerrier, d’un prince, le plaisir d’entendre dire : « Elle a enfanté la meilleure épée du temps ! » Voilà ce qu’elle aime dans son enfant, l’idole de ses yeux et la gloire de son nom, tout ce qui tient à la chair et à l’orgueil, Pas une résistance du cœur, pas une révolte des entrailles ! D’ailleurs le regret de la mort de son enfant ne se présente à ce cœur violent qu’après le sacrifice consommé. Le talent caractéristique de M. Swinburne comme poète, l’art de peindre par les mots, word-painting, si fort estimé aujourd’hui, se développe admirablement dans ces images d’une délicate beauté. Personne ne déniera à l’auteur le droit de concevoir Althée comme l’a fait M. Swinburne ; mais Ovide, qui abusait pourtant de son