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un marchepied de fer à six étages ; on s’installait tant bien que mal dans la boîte incommode couverte d’un velours d’Utrecht jaune, piquant comme un paquet d’aiguilles ; sous les pieds s’amoncelait une litière de paille qui ressemblait bien à du fumier, sentait le moisi et tenait les pieds humides ; les portières ne fermaient pas ; les vitres étaient cassées et portaient

……. Sur le cristallin une taie en papier.


Le cocher, toujours grognon, vêtu d’un carrick crasseux à sept collets, la tête enfouie sous un lourd bonnet de laine que coiffait un chapeau déformé, les pieds enfoncés dans de larges sabots, escaladait son siège après avoir allumé sa pipe, et il fouaillait ses rosses, qui flottaient dans les harnais, raccommodés avec des ficelles. On partait quelquefois, on n’arrivait pas toujours. Balançant leur tête amaigrie, remuant une queue dénudée, les chevaux s’ébranlaient au tout petit trot, mâchant un brin de foin resté fixé à leurs lèvres pendantes, et faisaient rouler cahin-caha la lourde machine, qui heurtait les pavés pointus avec un bruit de ferraille peu rassurant. Quand on était pressé, il était plus sage d’aller à pied. Si un de ces vieux fiacres qui nous reconduisaient jadis au collège apparaissait tout à coup dans les rues de Paris, il aurait son heure de célébrité, car il représenterait pour les voitures un spécimen antédiluvien des espèces disparues.

Aujourd’hui le fiacre, qu’il soit à deux ou à quatre places, est une voiture bien construite, peu élevée au-dessus du sol, garnie intérieurement de drap bleu, close, légère, attelée de chevaux qui se reposent au moins un jour sur deux, conduite par un cocher uniformément vêtu, portant son numéro sur la caisse et sur les lanternes, lavée et brossée une fois en vingt-quatre heures, et qui offre sinon un grand luxe, du moins un comfortable suffisant. Si l’on rencontre encore par-ci par-là des rôdeurs menant, une voiture écaillée, sale, dont la tenture est déchirée, la caisse bossuée et les harnais déchiquetés, soyez persuadé que ce véhiculé dégradé n’appartient pas à la Compagnie générale. Cette dernière en effet, malgré la libre concurrence, se regarde encore, et avec raison, comme chargée de subvenir spécialement aux besoins du public parisien ; aussi n’épargne-t-elle point ses efforts pour tenir en bon état un matériel chaque jour usé et détérioré par un service que rien ne ralentit, et qui devient de plus en plus étendu. Son personnel, qui est presque une petite armée, se compose de 6,815 agens de tout rang et de toute fonction[1].

  1. En rémunérant, je ferai facilement comprendre le mécanisme de cette grande administration. Employés dans les bureaux, 160 ; — surveillans, 160 ; — ouvriers d’atelier, 900 ; — maréchaux, 180 ; — laveurs, 900 ; — graisseurs, 200 ; — palefreniers, 500 ; — cochers, 3,925.