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éventualités qu’amènent des circonstances transitoires et anormales. C’est ce qui se passe aujourd’hui à propos de l’exposition universelle. Le nombre des voitures n’est plus en rapport avec les nécessités du moment. Selon l’usage français, on accuse l’autorité de négligence. Il me semble cependant qu’elle a fait tout ce qui lui était possible, tout ce qui ne dépassait pas la juste limite de ses droits. L’administration municipale a autorisé le service des mouches, qui par la voie du fleuve peuvent transporter journellement 10,000 voyageurs ; sous la même impulsion, les omnibus, modifiant leurs itinéraires et leurs stationnemens, dirigent vers l’exposition 169 voitures qui font 2,420 voyages quotidiens, et peuvent recevoir 73,816 personnes ; de plus le chemin de fer met au service du public 30 trains contenant 36,000 places. A cela, il faut ajouter les 6,101 voitures ordinaires, et en admettant que chacune d’elles, chargeant trois personnes en moyenne, fasse une seule course au Champ-de-Mars, nous aurons 18,303 voyageurs qui en pourront profiter. On le voit, il y a des moyens de transport organisés pour 138,119 personnes par jour, ce qui serait suffisant, si tout le monde ne voulait pas arriver et partir aux mêmes heures. Ce ne sont cependant pas les voitures qui manquent à Paris, car certains boulevards, certaines rues sont tellement encombrés par les véhicules de toute sorte, qu’il est parfois imprudent et souvent dangereux d’essayer de les traverser. Que serait-ce donc si, comme quelques inventeurs trop hardis le proposent, on appliquait la vapeur à la traction des voitures sur nos voies macadamisées ! Paris deviendrait inhabitable et infranchissable ; j’aime mieux ce modeste entrepreneur qui, faisant un retour vers le passé, va nous offrir bientôt cinq cents chaises à bras, avec galant uniforme pour les porteurs et dorures sur les panneaux. La concurrence ne sera pas redoutable pour les fiacres et les omnibus. Ce sera bien lent, ce sera bien chaud pour traverser notre ville immense ; mais le soir ce sera commode pour aller en soirée de porte en porte, et lorsqu’il tombera de l’eau, nos jeunes marquis de Mascarille pourront sortir sans « exposer l’embonpoint de leurs plumes aux intempéries de la saison pluvieuse. »


MAXIME DU CAMP.