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des événemens politiques, des mœurs et des ressources du pays, et même des controverses religieuses. Tous les sujets étaient abordés dans ces conversations, dont M. Palgrave a gardé le meilleur souvenir, en rendant pleine justice à l’intelligence et à la courtoisie parfaite de ses nombreux visiteurs. Si les Arabes ont l’abord cérémonieux et froid, ils savent, dès qu’ils ont psalmodié les formules sacramentelles et rompu la première glace, prendre le langage aisé et enjoué, et causer de toutes choses avec une grande liberté. La politique intervient très souvent dans leurs discours, car les questions politiques abondent à Hayel. On ne s’y occupe pas le moins du monde de la France, ni de l’Angleterre, ni de la Prusse ; mais les rapports avec le royaume wahabite, avec La Mecque, avec la Perse, avec l’Égypte, la lutte engagée depuis un demi-siècle entre l’ancien mahométisme et la nouvelle secte qui règne dans le sud de la péninsule et qui a la prétention de régénérer la foi musulmane, les intrigues de cour, aussi vivaces et aussi perfides là que partout ailleurs, en voilà plus qu’il n’en faut pour animer les entretiens. M. Palgrave écoutait avidement tout ce qui se disait devant lui. Grâce à quelques guérisons faciles, il avait conquis la confiance des habitans d’Hayel, et son officine (car il débitait des drogues à l’appui de ses consultations) était devenue insensiblement un lieu de réunion, une sorte de club pour les curieux et les désœuvrés, qui venaient y chercher les nouvelles du jour en se faisant tâter le pouls. Quant à sa pratique médicale, dont il est juste de dire au moins quelques mots, il l’avait simplifiée autant que possible. D’abord il refusait absolument de soigner les femmes et les jeunes enfans, sujets trop scabreux pour un faux médecin ; puis il choisissait ses malades, non-seulement pour être sûr de recevoir ses honoraires, les Arabes ne payant le médecin qu’en cas de guérison, mais encore pour n’avoir à s’occuper que de maladies assez bénignes pour céder aux plus simples remèdes et à une bonne hygiène. Lorsque le malade était dans un état évidemment désespéré, il se hasardait à annoncer l’issue fatale, et la mort si bien prévue du patient faisait la renommée du médecin. Quand la maladie était grave et l’issue incertaine, il demandait tant d’argent pour entreprendre la cure, que l’Arabe, effrayé pour sa bourse, préférait battre en retraite et retourner aux médecins indigènes. M. Palgrave, qui certainement n’est point aveuglé par la jalousie de métier, tient en médiocre estime la médecine arabe. La réputation dont elle a joui au moyen âge, quand on citait les écoles de Bagdad et de Cordoue, serait aujourd’hui tout à fait usurpée. D’ailleurs le centre de l’Arabie, isolé et fermé à l’introduction des sciences du dehors, est demeuré nécessairement étranger au progrès médical. La coloquinte, le séné, le soufre, les sulfates de mercure et d’arsenic, « une boisson plus