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luttes qu’entretient l’esprit de propagande religieuse, il y a presque toujours quelque expédition en train contre les tribus insoumises et pillardes qui entourent le royaume wahabite.

Comme centre du commerce, le marché de Riad, qui se tient en permanence, paraît très animé et très actif. M. Palgrave s’y rendit un matin pour faire sa provision de dattes, d’oignons et de beurre. Enveloppé dans un long manteau noir, la tête couverte d’une toile qui s’attache sous le menton, un long bâton à la main, il parcourait gravement les boutiques en plein vent, où des paysans et des femmes vendaient les produits de la campagne. Il circulait au milieu des paniers de dattes rouges et jaunes, des paquets d’oignons, — les plus beaux et les meilleurs, dit-il, qu’il ait jamais vus, — et de baquets d’eau dans lesquels nageait le beurre, qui est de couleur blanchâtre et que l’on moule dans une forme ronde. Le beurre et les dattes se vendaient couramment ; mais il n’en était pas tout à fait de même de ces magnifiques oignons qui excitaient l’admiration de M. Palgrave. C’est que, selon la règle wahabite, qui, pour ce détail n’est pas absolument reprochable, l’oignon est un mets presque réprouvé. « Les dévots wahabites ne peuvent manger cet excellent légume qu’à la condition de se rincer aussitôt la bouche et de se laver les mains, surtout si l’heure de la prière approche ; sans cela, l’odeur profane obligerait les esprits célestes à s’éloigner. Heureusement la potasse abonde à Riad, et tous les habitans ne sont pas de fidèles fervens… » M. Palgrave mit de côté tout scrupule ; il acheta les oignons aussi bien que les dattes, non sans avoir à marchander beaucoup avec les dames de la halle de Riad, qui ne sont pas moins intraitables ni moins loquaces que les dames de la halle dans tous les pays.

Parmi les boutiques, M. Palgrave remarqua principalement celles des épiciers, des cordonniers, des forgerons et des bouchers. Les Nedjéens sont grands mangeurs de viande, et ils peuvent satisfaire leur appétit à peu de frais, car un beau mouton gras ne coûte pas plus de 6 fr. 25 cent., ce qui, même en tenant compte de la valeur élevée de l’argent en Arabie, est d’un bon marché extrême. Les bœufs, les vaches et le gibier de toute espèce sont en abondance dans le Nedjed. Cette facilité d’approvisionnement atteste la richesse du pays en confirmant les témoignages si favorables que nous avons reproduits sur l’état florissant de l’agriculture. Les produits du Nedjed et des districts environnans sont apportés à Riad, où ils obtiennent un débit immédiat, non-seulement pour la nombreuse population de la capitale, mais encore pour les tribus de Bédouins dont les messagers apparaissent périodiquement sur le marché. Il n’y a plus à contester ici l’exactitude des tableaux qui représentent avec les tons les plus chauds et avec les détails les