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est fondé sur le domicile constaté par l’acquittement des taxes municipales et sur une certaine durée de résidence. Le bill portait cette durée à deux ans ; l’opposition demandait qu’elle fût restreinte à douze mois ; la différence n’avait pas de réelle importance, et déjà lord Derby, en répondant à une députation d’ouvriers, avait donné à comprendre que le gouvernement ne se mettrait pas sur ce point en travers de la volonté de la majorité. La condition d’une année de résidence a été en effet votée par une majorité de plus de 90 voix, et le cabinet s’est soumis à cet arrêt. Une autre condition, celle-ci plus importante, était la constatation du domicile par le paiement des taxes. La difficulté vient de ce que, grâce à une combinaison légale prise autrefois dans l’intérêt de la perception des taxes et des classes pauvres, les propriétaires dans certains cas prennent eux-mêmes la responsabilité de l’acquittement des taxes dues par les locataires, et les comprennent dans le montant des loyers. Ce sont les locataires formant cette catégorie qu’on appelle en Angleterre des compound householders. Ces compound householders ont été le grand prétexte à dispute dans le bill de M. Disraeli. Devaient-ils être privés du suffrage, puisqu’ils ne payaient point directement les taxes ? Ils les payaient cependant en définitive, mais d’une façon indirecte par l’intermédiaire des propriétaires ; alors était-il possible de les exclure sans violer un principe d’égalité et de justice ? Les adversaires du projet de loi y trouvaient une autre incohérence ; il est des bourgs en Angleterre où le système des compound householders, est pratiqué sur une vaste échelle, et il en est beaucoup d’autres où il n’est point appliqué du tout. Il y aurait donc, si le bill ministériel refusait le suffrage à cette classe de domiciliés, une inégalité réelle dans la composition des corps électoraux des divers, bourgs de l’Angleterre. Ces contradictions, on le comprend facilement, peuvent être corrigées par des dispositions particulières du bill de réforme ou par des amendemens à la loi qui régit les compound householders. L’essentiel, c’était d’assurer aux domiciliés de cette catégorie la faculté de payer directement leurs taxes quand il leur plairait de se faire inscrire sur les listes électorales. L’opposition, pour simplifier, voulait que l’on attachât d’une façon générale le droit de suffrage à un chiffre de loyer très minime vers lequel vînt expirer l’Imposition des taxes. Le gouvernement n’a point cédé et a obtenu une majorité de 66 voix. Ce vote décide du sort du bill. Il a été obtenu par le concours de près de cinquante libéraux. M. Disraeli, qui mène cette campagne avec beaucoup de dextérité, et de bonne grâce, attachera donc son nom à une des grandes évolutions de la constitution anglaise, et réglera pour une longue période d’années une question qui depuis quinze ans était une cause permanente de dissolution pour les cabinets et d’embarras pour les partis. C’est M. Disraeli qui disait du derby des courses d’Epsom : C’est le ruban bleu du sport. On peut dire en Angleterre d’un homme qui a réussi à faire entrer dans la législation constitutionnelle un acte de réforme électorale et parlementaire