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chlorhydrique qui se produit dans les fours où l’on transforme le sel marin en soude, les fumées qui s’échappent des fonderies de plomb rendraient le pays stérile à plusieurs kilomètres à la ronde, si les principes nuisibles de ces émanations n’étaient condensés avant qu’ils ne se répandent dans l’atmosphère. L’un des effets de ce genre le plus curieux est la singulière influence que la fumée des fours, à chaux exerce sur les vignobles. Jusqu’à 600 ou 800 mètres de distance, les raisins, et le vin qui en provient contractent un goût désagréable ; aussi les fours à chaux de la Bourgogne sont-ils contraints d’interrompre leur travail depuis la floraison de la vigne jusqu’à la vendange. Des usines d’une autre nature, celles qui traitent les suifs, les graisses, les engrais artificiels, dégagent des odeurs puantes. Dans ce cas encore, c’est au moyen de hautes cheminées ou d’appareils de condensation que l’on prévient les inconvéniens les plus sérieux.

Il n’y a pas que l’atmosphère qui soit empestés par les résidus des établissemens industriels. Les rivières en éprouvent au plus haut degré la détestable influence, et les cours d’eau qui traversent les pays de manufactures en arrivent à ne plus être que des égouts, comme la Bièvre à Paris, l’Ill à Mulhouse. Les ruisseaux qui arrosent Gand, Mons et Verviers en Belgique, Manchester, Birmingham, Leeds et Sheffield en Angleterre, présentent le triste spectacle d’eaux corrompues et chargées de matières putrescibles où le poisson ne peut plus vivre. Les grands fleuves eux-mêmes n’échappent pas, malgré la largeur de leur lit, à cette calamité, et les impuretés dues soit aux usines, soit aux déjections des villes assises sur leurs rives, en rendent l’eau impropre à la boisson. En ce qui concerne les résidus industriels, qui sont en ce moment seuls en cause, le gouvernement ne peut garantir les rivières de toute souillure que par des procédés identiques à ceux qui lui servent déjà à conserver la pureté de l’atmosphère, c’est dire que les eaux sont assez mal préservées et que d’autre parties fabriques sont souvent assujetties à des conditions onéreuses qui gênent leur liberté d’action. Qu’on en juge par quelques exemples. La fabrication de la soude artificielle est l’une des industries qui donnent lieu sous ce rapport aux plus justes réclamations. À Shields, une fabrique de soude située sur le littoral s’est vue obligée d’embarquer chaque jour ses résidus et de les envoyer à 2 kilomètres en mer. Une usine de Lyon qui produit les belles couleurs que l’on extrait du goudron de houille n’avait pas d’autre ressource que d’embariller la partie la plus nuisible de ses détritus et de l’expédier à Marseille, où les barils étaient vidés dans la Méditerranée. À Gand, les eaux de la Lys étaient si fétides que des quartiers de la ville devinrent inhabitables ; il fallut détourner le cours de la rivière par un barrage éclusé