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s’éteindront ceux qui sont en possession du droit de l’exercer, car on refuse à de nouvelles recrues la licence de se livrer à ce métier rebutant, et les chiffonniers actuels seront les derniers membres d’une corporation dont on s’est plu quelquefois à vanter bien à tort le labeur aléatoire et les mœurs vagabondes.

N’est-il pas possible, se sera-t-on déjà dit, de débarrasser la surface de tant d’impuretés, résidus d’usines, excrémens ou débris domestiques, en reléguant toutes ces matières dans les égouts ? Il n’est guère de grande ville qui ne possède une canalisation souterraine très étendue. L’obstacle est que ces exutoires invisibles sont eux-mêmes une cause permanente d’infection, et non pas la moins active ni la moins dangereuse. L’assainissement des égouts est une question de premier ordre ; c’est, à vrai dire, le nœud de la question et la première partie du problème de l’assainissement général des villes.

Pour peu que l’on y réfléchisse, on se convaincra qu’un canal souterrain ne peut servir utilement d’évacuateur qu’à la condition que les immondices n’y séjournent pas, et que ce résultat ne peut être atteint, si l’égout n’a pas une forte pente ou n’est pas balayé par un courant d’eau. Or bien peu de villes sont en situation de satisfaire à l’une ou l’autre de ces conditions. Aussi il est commun de voir ces collecteurs ajouter une puanteur de plus à toutes les autres causes d’infection de la voie publique. Les remèdes habituels sont le plus souvent impuissans. Tantôt ce sont des ouvriers qui descendent à jour fixe dans les égouts et facilitent à force de bras le départ des immondices, métier dangereux dont ces malheureux sont parfois victimes, car les galeries souterraines, privées d’air, recèlent des gaz asphyxians. Ailleurs, on laisse les ordures s’empiler pendant des mois et des années ; lorsque le canal est comble, on en démolit la voûte en ouvrant la chaussée de la rue, et on le vide à fond ; mais, tandis que cette opération barbare s’accomplit, la ville entière est empoisonnée. En plusieurs localités, les autorités municipales préviennent les inconvéniens les plus graves par une double mesure qu’au premier abord on serait tenté d’approuver. On interdit toute communication souterraine entre les égouts et les habitations riveraines, de façon à garantir ces exutoires des principales causes d’infection et en particulier de l’apport des matières stercorales ; puis on bouche par des fermetures plus ou moins hermétiques toutes les issues qui établissent une communication avec le dehors. L’atmosphère est préservée ; le sol au contraire se pénètre de déjections fétides, et les germes d’insalubrité y fermentent sans que rien s’oppose à leur développement.

Des procédés spéciaux ont donné quelquefois d’heureux résultats.