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sans être restées stagnantes un seul instant et sans avoir eu le temps de se décomposer ou d’émettre des gaz nauséabonds.

Par ce moyen, le sol de la ville est préservé d’infiltrations pernicieuses ; mais le flot incessant d’eaux résiduaires que déverse le gros collecteur du drainage urbain, que va-t-il devenir ? Le rejeter dans une rivière ou dans un puits absorbant, ce serait, on le sait maintenant, répandre plus loin l’infection, dont la ville est délivrée, et ce serait aussi sacrifier en pure perte les boues fécondantes dont l’égout est devenu l’issue régulière. Comme ces eaux impures se trouvent à un niveau inférieur, une machine à vapeur les refoule dans un troisième réseau de tubes, imperméable de même que le second, qui les conduit souterrainement aux champs du voisinage. L’engrais liquide, soumis à une pression énergique, jaillit çà et là au milieu des jardins maraîchers et des prairies, et retombe en pluie sur la terre ensemencée. Les immondices ne sont plus emmagasinées nulle part, ou plutôt le sol cultivé en devient le magasin et l’épurateur naturel. Très peu d’heures après avoir été produites, les matières stercorales sont déjà transportées à la campagne et disséminées sur une immense surface. Ce n’est pas tout. La terre qui reçoit toute l’année les déjections d’une ville finirait elle-même par se saturer, si l’on n’y remédiait à temps. Dans les conditions où ce système a été mis en pratique dans la Grande-Bretagne, certaines prairies soumises à une irrigation continue reçoivent annuellement jusqu’à 20,000 mètres cubes d’eau d’égouts par hectare. Il serait donc à craindre qu’il n’y eût parfois excès d’arrosage. L’enlèvement de l’excès d’eau, dernier anneau de cette chaîne d’opérations, s’effectue par un quatrième réseau de tuyaux souterrains, qui n’est autre qu’un drainage ordinaire. Le liquide boueux versé à la surface filtre jusqu’à ces derniers tuyaux en se dépouillant au profit du sol des substances fertilisantes qu’il recèle. L’eau revient à la rivière pure, inodore et inoffensive.

Tel est le programme théorique du système d’assainissement à circulation continue pour lequel on s’est passionné en Angleterre et dont la petite ville de Rugby entre autres a fait une application très complète qui l’a rendue célèbre. Certes l’idée d’enrichir la terre en l’irriguant n’était pas neuve. Le Nil fertilise l’Égypte depuis un temps immémorial ; on voit à Ceylan des ruines gigantesques de réservoirs et de tuyaux qui avaient été disposés pour l’arrosage du sol par une race d’hommes éteinte aujourd’hui ; les Chinois, détournent, pour répondre au même besoin, les eaux de leurs rivières et de leurs canaux. Il y a cependant quelque chose d’original à employer à cet usage les eaux ménagères d’une ville, et sans doute ce ne fut pas une idée si simple qu’il paraîtrait, puisqu’il a fallu, venir à notre époque pour en voir la première application. Edimbourg en