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cailloux et de gravier conviennent mal, en l’état actuel, à des cultures perfectionnées. Au-dessus des grèves, au nord de Paris, s’étendent les plaines calcaires de l’Ile-de-France, qui fournit, près de la ville, les légumes dont elle a besoin, et plus loin des céréales. Au sud-est se trouve la Brie, plateau argileux où prospèrent les cultures industrielles et au sud-ouest la Beauce, qui est aussi un grenier à céréales. Quels engrais réclament toutes ces terres ? À la Brie et à la Beauce, il faut des liquides concentrés analogues à l’engrais humain des Flandres ; l’industrie maraîchère veut des eaux riches et tièdes qui exciteront ses primeurs et doubleront ses récoltes ; les graviers de la Seine seraient transformés en prairies par des eaux troubles qui colmateraient leur surface. Le collecteur d’Asnières peut donner tout cela ; seulement il s’ouvre à 10 mètres au-dessous des graviers, à 100 mètres et même à 150 mètres au-dessous des plaines environnantes. Il faudrait donc en remonter les eaux à 10 mètres, 100 mètres ou 150 mètres au-dessus du niveau du débouché actuel. Les petites villes de l’Angleterre qui ont adopté le drainage à circulation continue n’ont pas eu de peine à rejeter les eaux d’égouts sur des terrains cultivés ; la masse à remuer étant faible, une petite machine à vapeur suffit toujours pour les refouler à la hauteur des prairies irrigables, et la valeur de l’engrais couvre les frais de l’opération, à moins que les ingénieurs ne commettent la faute de créer une installation trop luxueuse ; mais à Paris, avec 200,000 mètres cubes par jour au minimum, l’obstacle est bien autrement grave, parce qu’il faudrait des machines colossales pour mouvoir les pompes. M. Mille prétend créer un moteur peu dispendieux au moyen de roues hydrauliques que l’on établirait sur le cours de la Seine, au pied des barrages que nécessite l’intérêt de la navigation. La solution ne serait autre que celle adoptée à Marly par les ingénieurs de Louis XIV pour alimenter d’eau les bassins de Versailles, sauf les perfectionnemens que l’art mécanique a réalisés depuis deux cents ans. Faire naître au débouché du vomitoire d’Asnières une force motrice naturelle de 2,400 chevaux, relever les liquides impurs par ce colossal engin jusqu’au niveau des plaines de la Beauce et de la Brie, creuser dans la campagne tout un système de réservoirs et de rigoles de distribution d’où s’écoulerait l’eau chargée de principes fécondans, voilà, le projet grandiose qui compléterait l’assainissement de Paris.

L’exécution en serait soumise à bien des incertitudes. Quand on a. proposé de faire servir la force motrice des barrages de la Seine à l’élévation et à la distribution de l’eau pure dans la capitale, les ingénieurs municipaux ont avec raison critiqué ce mode d’alimentation, qui serait exposé à de fâcheuses éventualités d’intermittence