Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Des chanteurs ont, dit-on, brisé des verres en tenant longtemps avec force la note qui répondait à leur vibration naturelle. Deux diapasons montés sur des boîtes de résonnance sont d’accord : je remue l’un, l’autre remuera ; mais, si je laisse seulement tomber sur l’un des deux une goutte d’huile ou de cire, l’harmonie moléculaire sera rompue, l’écho ne répondra plus. Une membrane appliquée à une caisse de résonnance trahira donc, au milieu d’une cacophonie extérieure, la note unique qui répond à sa propre vibration ; elle sera comme un homme qui, sourd à tous les bruits, n’aurait d’oreille que pour un seul.

M. Helmholtz a profité des propriétés des membranes pour en faire de vrais analyseurs des sons. Coupez horizontalement une bouteille vers la moitié de sa hauteur, prenez le haut de cette bouteille coupée, tendez une peau sur sa plus large ouverture, et vous aurez le singulier appareil acoustique que M. Helmholtz nomme un résonnateur. L’air pénètre par le goulot dans la bouteille, mais, quelque bruit qui le traverse, la membrane ne frémira que s’il s’y mêle une ondulation qui puisse s’harmoniser avec sa vibration naturelle ; une note, toujours la même, la remuera ; toutes les autres, quelle qu’en soit l’intensité, la laisseront immobile.

Ce résonnateur grossier n’est pourtant pas celui que M. Helmholtz a employé dans ses expériences : pour membrane, il prend le tympan même de l’oreille, et il y applique des globes creux de verre ou de cuivre qui servent de bouteille sonore ou de résonnateur. Ces globes, de grandeur variable, ont tous une pointe percée, semblable à la queue d’une poire, qui pénètre dans l’oreille ; du côté opposé de la poire, un orifice circulaire est ouvert pour l’accès de l’air.

La membrane du tympan ferme la pointe mince du résonnateur quand on l’applique à l’oreille : or chacune de ces grosses poires creuses possède sa note fondamentale, qui est en rapport avec les dimensions de la boule et avec la grandeur de l’ouverture. Lorsqu’on introduit la pointe de l’une de ces poires dans une oreille en ayant soin de boucher l’autre, on se condamne à n’entendre plus qu’une seule note : chaque résonnateur nouveau est comme une oreille nouvelle qui ne serait construite que pour un son. Au milieu du concert le plus bruyant, toutes les autres notes semblent étouffées, tandis que la note du résonnateur éclate avec force chaque fois que l’harmonie la ramène ; bien plus, on peut la rechercher, la retrouver dans les bruits les plus vagues, les plus indistincts, dans les sifflemens du vent, dans le vacarme d’une foule, dans les murmures et le retentissement des eaux courantes. Le résonnateur est un véritable réactif qui décèle toujours le son qui lui est propre :