Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’habitation, puis les matières premières, comme si la dernière de ces catégories ne faisait pas double emploi avec les trois précédentes. Une marche plus naturelle, c’est de choisir dans les arts ceux qui sont, pour ainsi dire, les véhicules des autres, leur fournissent des élémens ou des instrumens, leur impriment le mouvement et la vie. On va de cette façon de la cause à l’effet en constatant ce que des affluens successifs ajoutent à un produit avant qu’il arrive à la forme définitive sous laquelle il est exposé. Dans ces conditions, on domine du moins le sujet, et on échappe en partie à l’obsession des noms propres. C’est ce plan que nous suivrons en insistant moins sur les tours de force individuels que sur les découvertes et les perfectionnemens récemment introduits dans la pratique de ces industries-mères. À ce titre, deux grands agens se présentent d’abord, la chimie et la mécanique.

Dans trois galeries du palais et sur une longue file d’étagères, sont rangées des substances devant lesquelles le public passe d’un air indifférent et dont il ne comprend guère la destination. Rien de plus irrégulier et en apparence de moins significatif : ce sont des blocs, des cristaux, des agglomérats de couleurs et de formes diverses, ou bien des sels et des liquides logés dans des récipiens appropriés, bonbonnes, flacons, cornues, bocaux, matras, cloches en verre. A les voir hors des laboratoires où ils ont été préparés, on ne dirait pas que ces substances solides ou en dissolution sont des combinaisons d’élémens qui se composent ou se décomposent au moyen de lois précises et à travers des phénomènes constans. Pas une de ces substances dont l’action et la réaction au contact d’autres corps n’aient été fixées par la théorie et ne soient à peu d’exceptions près passées dans la pratique. C’est la science qui agit d’abord sans autre intérêt que de pénétrer quelques lois naturelles encore inconnues. Le Protée a beau changer de forme pour se rendre insaisissable, la science l’étreint dans de si vigoureuses analyses que le moindre atome doit lui dire au juste ce qu’il est. Plus tard, dans une recherche moins désintéressée, l’industrie lui demandera ce qu’il vaut et à quoi il peut servir. Ainsi procède l’esprit de découverte. C’est tantôt le hasard qui les lui livre, tantôt la nécessité qui les lui suggère, et ce dernier cas n’est pas le moins fréquent. On en a un curieux exemple dans un produit qui sert d’aliment indispensable à beaucoup d’arts usuels, la soude. Deux fois menacée dans le cours d’un siècle, il lui a fallu deux fois se reconstituer de toutes pièces ; la science, dans aucune de ces épreuves, n’a été prise au dépourvu.

La première remonte aux guerres du premier empire ; c’était alors l’Espagne qui nous fournissait des soudes provenant de