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imparfaite, car, sans moyens mécaniques d’analyser les sons, il connaissait trop peu d’harmoniques, et était réduit à tâtonner dans la direction où le poussaient, à défaut de la science, son génie profond et la délicatesse rare de ses perceptions. Helmholtz a complété l’œuvre imparfaite du musicien français : ses instrumens fournissent à l’harmonie des guides sûrs ; l’analyse des sons devient aussi aisée, aussi précise qu’elle était autrefois vague et difficile.

Depuis longtemps, les constructeurs d’orgues avaient senti la nécessité d’enfler les harmoniques de la note fondamentale. Les tuyaux d’orgue sont par nature relativement pauvres en harmoniques ; aussi, quand on tient à donner à une note beaucoup d’éclat et de puissance, on la renforce d’un jeu spécial, composé de trois à sept tuyaux d’étain accordés dans le rapport des consonnances harmoniques, c’est-à-dire à l’octave ou à la quinte les uns des autres (en Italie, on emploie aussi la tierce). Cet ensemble de tuyaux qui résonnent en commun se nomme une fourniture et s’emploie pour le plein jeu. Il donne à l’oreille la sensation d’une seule note, qui est la plus grave de l’assemblage ; les harmoniques aiguës n’ont pour effet que d’enrichir, d’assaisonner le son, de le timbrer. La théorie des fournitures était restée jusqu’à ce jour une énigme pour les physiciens comme pour les constructeurs d’orgues : elle s’explique très bien depuis que M. Helmholtz a démontré par l’expérience que tout son musical est analogue au chant d’une fourniture.

La connaissance des harmoniques devait, à cela près, rester stérile tant qu’on les prenait pour des échos fugaces, irréguliers, trop faibles pour que l’oreille eût besoin d’en prendre souci. On sait aujourd’hui qu’elles jouent un rôle prépondérant dans le phénomène du son, qu’elles lui donnent la qualité, le timbre, ce qu’on pourrait nommer la couleur. On fait de la musique grise avec des instrumens qui ne donnent qu’un son fondamental, des membranes, des diapasons, des cordes gênées en leurs mouvemens, des tuyaux d’orgue larges et fermés ; on fait de la musique colorée avec des cordes librement vibrantes, des tuyaux d’orgue renforcés de fournitures. Chaque son est alors plein d’harmoniques, et les impressions se pressent en foule sur l’appareil auditif.

On est surpris, dès qu’on se met à étudier les harmoniques, de les trouver quelquefois si sonores ; il ne faut point les tenir pour faibles parce qu’on a quelque difficulté à les distinguer, car cette difficulté tient moins à la faiblesse des vibrations qu’à un phénomène à la fois physiologique et psychologique. Nous n’avons aucune peine à rapporter des sons divers à des instrumens différens ; mais ce n’est point assez de dire que l’expérience nous a permis de les distinguer sans effort, il faut considérer que mille