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Suivant quelles lois opèrent-ils le triage de leur nourriture ? Telle est la question que M. Dehérain a éclairée par de brillantes expériences.

Il a pris pour point de départ d’anciennes études de Graham sur la diffusion des matières salines. Si au fond d’une éprouvette remplie d’eau on dépose une solution concentrée d’un sel soluble, celui-ci finit par se répandre dans toute la masse liquide, absolument comme un gaz remplit tout l’espace qui s’offre à lui. Un pareil équilibre s’établit également à travers une cloison poreuse : si dans un verre plein d’une solution saline on place un vase poreux rempli d’eau, la solution se trouve bientôt au même titre dans les deux récipiens. On peut ajouter même que la diffusion d’un sel contenu dans l’un des deux vases n’est que faiblement gênée par la présence d’un sel différent dans l’autre compartiment. Ces données admises, supposons que nous placions deux sels dans le vase extérieur, et que par un artifice quelconque l’un de ces deux sels soit amené à l’état insoluble dès qu’il a pénétré dans le vase intérieur. Que va-t-il arriver ? Le sel soluble aura bientôt pris une position d’équilibre dans les deux compartimens. Il n’en sera pas de même de l’autre sel ; comme il est précipité dans le vase poreux et que l’eau de ce vase en est ainsi purgée, un nouvel afflux aura lieu pour rétablir l’équilibre, et, cette action se continuant, le second sel finira par se trouver à l’intérieur en quantité beaucoup plus grande qu’à l’extérieur. Ces expériences permettent d’expliquer comment s’accumulent dans les plantes ceux des principes minéraux qui forment avec les tissus végétaux des combinaisons fixes. Considérons une plante marine, un fucus plongé dans l’eau de mer. La pellicule qui recouvre le tissu de la plante peut être comparée à la paroi poreuse dont nous parlions tout à l’heure. Les sels contenus dans l’eau de mer se diffusent tous ensemble à travers cette pellicule. Les sulfates entrés dans le tissu de la plante s’y combinent, s’y solidifient, et se trouvent ainsi soustraits à la dissolution saline ; de nouvelles quantités de sulfates pénétreront donc dans l’eau qui gorge les tissus et viendront s’y accumuler. Les chlorures au contraire, qui ne forment pas combinaison dans la plante, cesseront d’y entrer quand ils s’y trouveront au même degré de concentration que dans l’eau de mer. Voilà pour les plantes marines. Si nous passons maintenant aux plantes terrestres, nous trouverons encore le même mécanisme. Nous allons voir le sol arable qui les entoure se comporter comme l’eau de mer qui entoure le fucus ; car c’est aussi une loi de Graham que la diffusion s’opère dans un milieu gélatineux comme dans l’eau pure. Un grain de froment germe ; l’amidon qu’il contient se transforme en dextrine, puis en cellulose. Cette cellulose a de l’affinité pour la silice et l’attire dans une combinaison insoluble ; le terrain ambiant enverra donc incessamment de la silice, tandis qu’il n’aura pas à fournir dans la même proportion les autres matières dont la sève n’aura point été appauvrie par une semblable raison.

On peut se faire, d’après ces indications sommaires, une idée de la