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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mai 1867.

Les rois s’amusent, et c’est Paris, c’est notre exposition qui les attirent et, leur offrent de bonne grâce l’occasion d’une récréation facile et innocente. Toutes les têtes couronnées viennent à nous : on dirait la contre-partie du souper des rois dans Candide. Ils peuvent tous répéter le refrain : « Et nous sommes venus passer le carnaval à Venise ; » mais ce ne sont point des princes déchus, — on en trouverait assez de cette sorte pour faire un banquet aussi nombreux que celui des convives de Candide et de Martin : — ce sont des souverains florissans et triomphans. Puissent les distractions parisiennes égayer et humaniser ces potentats qui daignent devenir eux-mêmes des objets d’exhibition et nous apporter un spectacle insolite ! Il n’est point au pouvoir, nous le savons, de ces illustres touristes de nous communiquer les hautes inspirations morales. C’est hors de leur sphère que se passent en ce moment les grandes choses qui émeuvent et honorent l’humanité. Par exemple, à l’heure qu’il est, il y a de par le monde, chez la nation la plus vivace de notre temps, un chef de pouvoir exécutif qui est entré dans la vie comme ouvrier tailleur, et qui vient d’accomplir une des plus belles actions morales et politiques qui se puisse concevoir. Cet ancien tailleur, chef d’un grand peuple, vient d’obéir à une inspiration humaine qui efface la clémence de tous les Augustes, de ceux que M. Beulé connaît si bien et nous fait si spirituellement connaître. Le président de la république américaine, M. Johnson, vient de mettre un terme à la captivité préventive de M. Jefferson Davis. Voilà un homme qui avait été ce que l’on peut appeler, dans les idées du peuple américain, un grand rebelle. Il avait voulu détruire la république en la partageant. Il avait été le promoteur, l’organisateur, le chef opiniâtre d’une des plus violentes révoltes civiles qu’on ait jamais vues. Il était tombé aux mains de ses vainqueurs dans une de ces crises qui portent au plus haut degré