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discordances. La cloche, le diapason, les harmonicas, les tambours et tambourins n’offrent aux musiciens que peu de ressources et d’un emploi périlleux. Les sons qu’on en tire s’accompagnent des parasites suraiguës en désaccord avec la note fondamentale. J’ai dit comment on peut corriger ce défaut dans le diapason, en le plaçant devant une boîte de résonnance. Il ne donne alors qu’une vibration, un son simple, toujours le même, et n’a dans l’orchestre qu’un genre d’utilité parfaitement connu.

Il ne serait pas aussi facile d’étouffer les dissonances de la cloche ; tout l’art des fondeurs s’applique à trouver empiriquement une forme telle que les notes supérieures ne jurent point avec la note fondamentale. En attendant, une oreille juste ne saurait goûter les carillons dont certaines villes sont si fières. La musique en est fausse, et ces dissonances perpétuelles, dont le retour régulier fait encore mieux ressortir l’aigreur, mettent à la torture une sensibilité quelque peu délicate. La cloche, il est vrai, a été employée dans des opéras pour produire certains effets dramatiques ; mais elle remplit alors d’autant mieux son rôle qu’elle jette une sorte de désarroi lamentable dans tout l’orchestre.

Les membranes offrent peu de ressources à l’harmonie. Les compositeurs modernes ont pourtant singulièrement abusé des timbales, et souvent le roulement s’en fait entendre tout à fait hors de propos. Le tambour ordinaire sert à marquer vigoureusement le rhythme d’une marche, le tambour de basque accentue la mesure d’une danse rapide ; mais ce sont là, il faut l’avouer, des instrumens de sauvages, et la science musicale peut les mépriser.

Les instrumens les plus dociles de l’harmonie seront toujours les cordes vibrantes : avec quelques violons, Mozart, Beethoven, portent l’âme humaine aux plus hauts sommets de l’émotion musicale ; rien n’ébranle l’être intérieur aussi profondément, rien ne lui imprime un élan aussi plein, aussi noble que les riches et puissans accords d’un orchestre d’instrumens à cordes. C’est pourquoi la lyre est encore le symbole de la grande harmonie, de celle qui combine des sons et non des bruits, qui a une âme enfin ; c’est pourquoi le violon, la viole, la harpe, sont avec elle les seuls attributs que les peintres donnent à la musique. C’est par la même raison que, dans un tableau célèbre, Dominiquin n’a pas hésité à montrer sainte Cécile jouant de la contre-basse. Les instrumens à cordes se divisent en deux classes : dans la première, on pince les cordes ou on les frappe ; dans la seconde, on les frotte avec un archet. À la première classe appartiennent le piano, la harpe, la guitare, la cithare et le violon par les pizzicati. Les cordes pincées ou frappées donnent un son très riche en harmoniques ; le nombre