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idées apocalyptiques des amis de M. de Prinsterer et leurs dénonciations de l’impérialisme prussien sont assurément fort bizarres ; on les remarque cependant quand on n’a point oublié le mélange d’idées religieuses et d’idées politiques où le parti de la croix a formé ses doctrines.

Notre temps a connu les émotions graves et violentes. Celles que fait revivre en nous le dernier volume des Mémoires de M. Guizot conservent encore leur poignante énergie. Ce volume est à coup sûr le plus intéressant et le plus dramatique de l’œuvre du ministre de la monarchie de juillet. Il est composé avec une sûreté d’esprit, écrit avec une adresse et une vigueur qui prouvent que l’âge a respecté et conservé dans M. Guizot toutes les mâles qualités de sa nature. Quelles situations, quels événemens parcourt et retrace le militant écrivain ! Dans le premier chapitre, sorte d’introduction, M. Guizot pose les principes théoriques du gouvernement parlementaire, ceux du moins sur lesquels il appuya sa politique intérieure durant les huit années de son ministère ; puis il entreprend le récit des épisodes les plus importans de l’histoire de sa politique extérieure. Ce sont d’abord les mariages espagnols. Commencée en 1842, la négociation du renouvellement d’alliance de famille entre les maisons régnantes de France et d’Espagne se poursuit jusqu’en 1847. Que de péripéties dans cette lente préparation terminée par un dénoûment brusque ! On la commence en s’efforçant d’établir une entente franche avec l’Angleterre ; c’était alors l’Angleterre honnête, scrupuleuse et pacifique de lord Aberdeen et de sir Robert Peel, le temps où la jeune reine Victoria et le vieux roi des Français s’unissaient d’une amitié rare entre des chefs d’empire et en rendaient un témoignage public par d’affectueuses courtoisies. Les réformes économiques de sir Robert Peel amènent la dislocation du parti tory et la chute du cabinet anglais. A lord Aberdeen succède lord Palmerston, et tout à coup la partie se brouille entre la France et l’Angleterre. Lord Palmerston, sémillant et fringant, n’était point parvenu encore à cet équilibre de facultés qui a donné une physionomie sereine et souriante aux dernières années de sa vie. il avait goût encore à la chicane, la lutte l’attirait et l’excitait, il ne voyait de succès attrayans que dans les bons tours qu’il pouvait jouer à la politique française. Devant un tel lutteur, M. Guizot cesse tout badinage autour des mariages d’Espagne, lâche la bride à ce diplomate nerveux et hardi, M. Bresson, qui représentait la France à Madrid. On prévient un mariage Cobourg par l’union simultanée des deux infantes. Alors éclate le dépit implacable de lord Palmerston, qui eut des conséquences si peu proportionnées aux intérêts qui étaient en jeu. En 1846, le pape Pie IX arrive au trône pontifical ; quelles espérances donnèrent ses débuts, quelles inquiétudes et quelles impuissances suivirent ses premières, ses trop insuffisantes et indécises réformes ! La France avait encore là un représentant d’un rare mérite, un sagace observateur des choses et des hommes de l’Italie qui lui étaient si connus, un