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voisins exercent sur elle un prestige auquel on la voit succomber à chaque instant. Même quand elle reste extérieurement fidèle à sa religion, elle se rend coupable d’immoralités, d’injustices, d’impuretés. Voilà l’explication de ses longues infortunes. Jéhovah se refuse à déployer sa puissance en faveur d’un peuple ingrat et pervers. L’alliance ne produit pas ses fruits, puisque l’un des alliés manque aux conditions du contrat. Toutefois Jéhovah est trop parfait pour rien commencer d’inutile ; l’homme ne saurait faire avorter un plan divin. Il arrivera donc immanquablement qu’un jour Israël, purifié par l’épreuve et la souffrance, rentrera dans les conditions de l’alliance, et alors les promesses du contrat se réaliseront dans toute leur ampleur pour la gloire et le bonheur du peuple préféré.

Tel est, logiquement déduit et dessiné à grands traits, le point de vue général des prophètes d’Israël. On doit s’apercevoir sur-le-champ, toute réserve faite sur la valeur absolue de ces principes, qu’il s’agit désormais de tout autre chose que de retrouver les objets perdus ou de prédire aux gens leurs aventures. C’est toute une théodicée et toute une politique nationales qui sortent de là, s’appliquant immédiatement à l’état religieux, moral et social du peuple. L’enthousiasme pour Jéhovah et son alliance saisit le nâbi et l’inspire ; cet enthousiasme fait de lui un prédicateur. Le prophète est l’organe de ce qu’il y a de plus vivant et de plus pur dans la conscience populaire. De là sa puissance même sur les hommes que ses prédications censurent et contrarient. On le déteste, mais on l’écoute. Il y a de magnifiques exemples de hardiesse et de franc-parler dans l’histoire des prophètes. Sortis non d’une caste ou d’une classe spéciale, mais de tous les rangs du peuple, ils sont pour le peuple et limitent par leur opposition courageuse le despotisme des rois et des grands. Ne puisant leur titre que dans leur conviction d’être inspirés d’en haut, représentant par conséquent la libre conscience et la libre parole, ils ne craignent pas d’attaquer en face le sacerdoce officiel que la possession assurée de ses privilèges énerve, et qui laisse à chaque instant péricliter cette foi nationale qu’il a pour mandat de défendre. Quoi de plus caractéristique, de plus vif que la scène entre Amos, le bouvier-prophète, et le grand-prêtre de Béthel, Amatsia, qui se scandalisait des menaçantes prédictions lancées par Amos contre la maison régnante et qui avait jugé prudent de le dénoncer au roi ? « Alors Amatsia, le sacrificateur, dit à Amos : Voyant, va-t’en au pays de Juda, mange là ton pain et prophétise là tant que tu voudras ; mais ne prophétise plus à Béthel, car c’est le sanctuaire du roi ! — Mais Amos répondit au sacrificateur : Je n’étais ni prophète ni fils (ou disciple) de