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et du peuple d’Israël a été précisément de se laisser éblouir par une politique opposée à elle que conseillaient les nâbis.

Cette politique ne fut, il est vrai, codifiée par aucun d’eux. Elle fut toujours commandée par les prémisses religieuses, du prophétisme, mais elle dut varier avec les circonstances. Il y eut des temps où elle consista simplement dans la chasse aux superstitions idolâtriques et dans l’opposition aux princes infidèles ; mais elle devint plus compliquée à partir du moment où la petite nation d’Israël fut atteinte et entraînée par les grandes révolutions de l’Asie occidentale. Quelle ligne de conduite fallait-il suivre dans les rapports avec l’Assyrie ou la Chaldée d’une part, avec l’Égypte de l’autre ? Tel fut le problème qui absorba, du VIIIe au VIe siècle avant notre ère, l’aristocratie et la royauté israélites, et qu’elles résolurent, ajoutons-le, de la façon la plus malheureuse. Tantôt les rois nouèrent d’intimes relations avec l’Égypte, effrayée comme eux de l’extension croissante des empires ninivite et babylonien et charmée de trouver en Palestine un avant-poste engagé le premier dans la bagarre, et naturellement cette politique attira sur le peuple d’Israël la pesante colère des souverains de Ninive et de Babylone ; tantôt ils crurent plus sage de s’allier étroitement à ces derniers et de leur servir d’avant-garde contre l’Égypte : ce qui aboutit à les rendre vassaux de l’Égypte et derechef le point de mire des expéditions de leurs alliés de la veille. À cette politique de bascule, la nation perdit son indépendance et jusqu’à son existence : elle eût du moins échappé à l’anéantissement final, si elle avait suivi le sentiment de ses plus grands prophètes. Persuadés que l’état des choses était anormal, que la protection de Jéhovah mettait leur pays à l’abri de la destruction totale, mais aussi que la justice céleste devait nécessairement punir le peuple infidèle, ils furent d’avance et en principe opposés aux alliances étrangères. Elles leur paraissaient inspirées par une défiance impie et compromettantes pour la pureté du monothéisme. Quand on leur disait que sans une alliance de ce genre il serait impossible de résister à l’invasion menaçante, ils conseillaient de courber la tête, d’accepter pieusement l’épreuve inévitable et d’attendre patiemment des jours meilleurs. Eh bien ! cette ligne de conduite eût été le salut de la nation. Les conquérans d’alors ne songeaient absolument qu’à faire reconnaître leur suzeraineté et qu’à prélever des tributs annuels. Ils ne devenaient terribles que lorsqu’on voulait se soustraire à cette double obligation, et leurs moyens de répression pouvaient donner à penser : ils dévastaient et saccageaient le pays révolté, ils « passaient le rasoir. » sur ses campagnes et ses cités, puis ils transplantaient la population à des centaines de lieues. Dans de telles conjonctures,