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à cœur que de ruiner l’influence à laquelle il devait le sien. Ce qui est certain, c’est que vers la fin de son règne le prophétisme, qu’il se flattait peut-être d’avoir éteint, relève la tête et contribue fortement à la séparation des dix tribus du nord. Depuis lors, les prophètes, qui se succèdent sont essentiellement des défenseurs du monothéisme national. Les derniers et les plus célèbres de ces nâbis qui n’écrivent pas encore sont Élie et son disciple Elisée, ces deux héros du monothéisme, ces défenseurs du peuple opprimé, systématiquement corrompu par la maison d’Achab et ses divinités tyriennes. Le peuple reconnaissant a entouré leur mémoire d’un cycle de légendes où se reflètent leur hardiesse, leur sympathie pour les petits, leur infatigable persévérance, et parfois aussi leur violence vindicative. Le peuple n’a jamais voulu croire à la mort d’Élie. Ce géant du prophétisme, qui a pour trait distinctif de disparaître toujours aussi brusquement qu’il apparait, a dû monter vivant au ciel sur un char de feu que traînaient des chevaux de flamme. C’est à ses ardentes prédications et à celles d’Elisée qu’est due la révolution monothéiste qui substitua la dynastie de Jéhu à celle d’Achab. Elisée, qui touche déjà aux temps décidément historiques, meurt de la mort naturelle, mais ses os ont le privilège de ressusciter les morts par le contact. C’est ainsi que la légende n’est souvent autre chose que l’histoire en figures.

Élie et Elisée sont du Xe et du IXe siècle avant notre ère. Le dernier avait ou beaucoup accru ou rétabli les « écoles de prophètes. » Il en avait fait des espèces de colonies agricoles où l’on partageait ses journées entre la culture et l’art prophétique, et il semble que, dans ces temps agités où la persécution sévissait souvent sur les adeptes fervens du monothéisme national, l’esprit prophétique ait été très répandu ; mais il y avait aussi des prophètes de Baal et d’Astarté, ou même des prophètes de Jéhovah qui trouvaient plus sûr et plus profitable de flatter les désirs des grands que de les combattre. Depuis lors aussi, le désintéressement est beaucoup plus que par le passé la marque de la véracité du prophète.

Vers la même époque, on voit paraître dans le royaume de Juda les premières prophéties écrites. Nous touchons à la seconde grande période et aux grands jours de cette histoire. Les noms célèbres des prophètes écrivains se classent assez bien d’après le genre d’ennemi national qu’Israël doit combattre. Les premiers, — Joel, Amos, Osée, Zacharie Ier[1], Ésaïe Ier, Michée, Nahum, —

  1. Cette manière de dire est adoptée pour distinguer les prophètes différens dont les discours sont réunis dans le canon sous un même nom et comme s’ils ne provenaient que d’un auteur. Ce sont les chapitres IX-XI du livre actuel de Zacharie qui remontent à l’époque en question.