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répondra sourdement a ; chantez o, l’écho confus dira o. Il s’opère donc mécaniquement sur l’échelle des cordes du piano une décomposition de tout son complexe en ses notes élémentaires : une seule onde fait vibrer plusieurs cordes.

Les choses se passent absolument de la même manière dans l’oreille ; l’appareil où l’onde sonore vient, après divers voyages, se heurter au système nerveux, est un véritable clavier. Les anatomistes n’ont pendant longtemps été occupés que des parties de l’oreille qui sont les chemins du son, et qui servent à transmettre l’onde sonore au liquide où baignent les terminaisons du nerf auditif. Du pavillon de l’oreille externe, l’onde arrive au tympan, en traverse la caisse, et se transporte par des intermédiaires étrangement compliqués jusqu’au labyrinthe, là se trouve enfermé le limaçon où elle rencontre enfin le clavier nerveux. La petite caverne osseuse du labyrinthe est baignée par un liquide où flotte enroulée en spirale une membrane d’une extrême délicatesse. Le microscope y a découvert récemment environ trois mille petites fibres qui sont les terminaisons des filamens du nerf acoustique. L’onde qui de fenêtre en fenêtre a passé jusqu’au labyrinthe, vient frapper enfin le clavier spiral du limaçon. Les fibres dites de Corti (du nom du physiologiste italien qui le premier les a observées) sont comme les cordes du petit piano : celles qui dans l’onde totale pourront saisir la vibration élémentaire qui leur convient se mettront sympathiquement en branle, le son sera décomposé, dissocié comme sur un piano ordinaire ; seulement les vibrations élémentaires du clavier nerveux, pénétrant toutes ensemble dans le nerf acoustique, apportent à la sensibilité des impressions simultanées qui se marient dans une sensation unique, à moins que la volonté mise en éveil ne fasse un grand effort pour tenir les impressions bien distinctes.

Le clavier nerveux est bien autrement riche, autrement sensible que les claviers ordinaires ; ceux-ci aujourd’hui ont quatre-vingt-quatre notes, l’oreille en a trois mille environ. Entre les limites où les sons demeurent perceptibles, elle peut apprécier les plus subtiles, les plus exquises nuances ; elle possède trente-trois touches en moyenne par intervalle d’un demi-ton. Cette délicatesse lui permet d’apprécier le timbre des sons avec une facilité merveilleuse. Elle peut analyser dans le flot mélodieux que lui apporte un orchestre des centaines de notes, chargées non-seulement de leurs harmoniques, mais encore de ces notes accessoires que fait naître la juxtaposition de sons divers. Les accords succèdent aux accords, les modulations s’enchevêtrent, un air fugué reparaît à des hauteurs toujours nouvelles, les crépitations des croches et des