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s’arranger avec les créanciers de Catherine en la personne de maître Du Tillet, les réclamations, les défenses, les oppositions, pleuvaient à Chenonceau. Cette succession de la reine-mère était une mine inépuisable de créances. On en payait une il en revenait vingt autres. En premier lieu, l’adjudication définitive avait été fixée, à la Saint-Jean de 1598, puis elle avait été remise à la Noël de la même année ; mais comment faire ? Chaque jour on voyait poindre quelque nouveau réclamant qui s’opposait à la vente, et celle-ci, de délai en délai, s’en allait aux calendes grecques.

Les Mercœur pourtant se conduisaient en gens sûrs de leur fait, et ne semblaient pas s’apercevoir que leur droit manquait par la base. Le 30 juillet 1599, César Forget, pour le duc de Vendôme, et au nom du Roy, acceptait la donation de la reine Louise ; le 6 août suivant, les Mercœur l’acceptaient à leur tour ; on l’inscrivait au bailliage de Tours, on l’inscrivait au bailliage d’Amboise, et enfin en 1601, le 20 février, quelques jours après le décès de la reine Louise, morte à Moulins le 29 janvier de cette année, le même César Forget, toujours au nom du roi et pour le duc de Vendôme, prenait solennellement possession du domaine et de la justice de Chenonceau, ordonnant qu’à l’avenir on n’y usât que de cette formule : « de par monseigneur le duc de Vendôme et sa justice à Chenonceau. » Mais pendant ce temps les créanciers allaient toujours leur train, et, somme toute, c’était eux qui étaient les maîtres. Les commissaires de la saisie n’avaient pas cessé d’occuper le château, de toucher les revenus et de disposer de tout suivant leur bon plaisir. Il paraît même que les officiers commis à cet emploi par l’ancien syndicat des créanciers avaient fini par prendre trop au sérieux leur rôle de propriétaire. Ils s’étaient habitués à se croire chez eux, et tripotaient tout doucement les fermages et les redevances. Cela pouvait durer longtemps ainsi : l’imbroglio se prolongeait, et nous n’en finirions pas si nous voulions suivre un à un tous les incidens de cette interminable affaire, raconter par le menu les arrêts du parlement, les oppositions, les assemblées de créanciers, les procédures de toute sorte. Pour abréger, nous sauterons, non pas tout à fait au dénoûment, mais du moins à la péripétie.

Lorsque les créanciers furent las d’entretenir à leurs frais les huissiers de Paris et de Touraine, ils consentirent à un accord. Comme bien on pense, Mme de Mercœur, sur qui la mort de son mari venait de faire retomber tout le poids de ces longs débats, ne repoussa pas cette chance de sortir d’embarras. On se réunit à Paris en l’hôtel de l’archevêque de Sens, et le 21 novembre 1602 une convention fut conclue, dont les deux clauses principales étaient la réserve faite par la duchesse de Mercœur de tous les objets d’art qui garnissaient Chenonceau et l’engagement pris par elle « d’enchérir