Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant la durée déjà longue de sa carrière ecclésiastique, jamais il n’avait pris parti contre ces principes de 89 si chers à la révolution française, et qu’elle s’était hâtée de répandre de l’autre côté des Alpes. Il leur avait au contraire, comme évêque d’Imola, par une lettre pastorale de 1797, donné dans une solennelle circonstance la plus éclatante adhésion. Bien différent en cela de son fidèle serviteur et de son ami le secrétaire d’état Consalvi, il avait le bonheur de n’avoir d’attache d’aucune sorte avec les vieilles royautés déchues, et d’être sans liens d’affection particulière avec les partisans de l’ancien régime, demeurés si nombreux parmi les membres du sacré-collège. Par ses antécédens, par ses sympathies bien avérées, par un ensemble de circonstances singulières, il se trouvait réaliser dans sa personne le véritable type du pape des temps modernes. Le gouvernement d’origine démocratique en train de se fonder en France n’avait plus rien qui pût à aucun degré lui déplaire depuis le jour où, remettant toutes choses à leur place, l’homme de génie dont la seule volonté suffisait à accomplir tant de merveilleux changemens avait enfin pris le parti de rendre dans ses états à la religion catholique toute son antique splendeur. Le chef de la nouvelle dynastie française n’était-ce pas ce brillant général dont les exploits avaient naguère si vivement parlé à l’imagination de tous les Italiens, qui, de passage à Rimini, avait signalé comme un modèle de sagesse et de dignité ecclésiastique la conduite tenue alors dans son diocèse par l’ancien évêque d’Imola, par celui-là même que la volonté visible de Dieu avait depuis miraculeusement porté à la tête de l’église, afin de lui ménager en des temps si difficiles le plus favorable traitement ?

Tels étaient les sentimens avec lesquels Pie VII était parti de Rome pour aller couronner l’empereur. Il n’éprouvait pas seulement pour lui la banale admiration que peu de gens lui refusaient alors ; il arrivait le cœur plein à son égard d’une ancienne et véritable sympathie, et, malgré les vagues inquiétudes qui déjà plus d’une fois avaient traversé son esprit, faisant après tout grand fonds sur sa bonne volonté. Justement parce qu’il se rendait la justice d’avoir cédé à un mouvement tout à fait sincère, qui, à son origine du moins, avait été complètement désintéressé, le saint-père ne doutait point de rencontrer en retour chez ce grand homme, qui pouvait faire tant de bien, des dispositions à peu près semblables. Il y a plus : confiant dans le don qu’il possédait de persuader et de plaire, qui en réalité était chez lui fort grand, Pie VII s’était outre mesure flatté de faire accepter par l’empereur Napoléon sa douce et pénétrante influence. Les affaires de la religion dont il avait si vivement réclamé le droit d’entretenir en particulier le chef du gouvernement français, c’étaient avant tout à ses yeux les intérêts du