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piété et de profonde vénération pour sa personne qu’il avait, non sans une secrète surprise, rencontrés parmi les populations françaises, si souvent représentées comme ayant tout à fait renié l’ancienne foi de leurs pères. Il y avait des éloges bien sentis à l’adresse du clergé gallican et quelques mots touchans sur le repentir méritoire des évêques constitutionnels, qui s’étaient du fond du cœur soumis au jugement du siège apostolique sur les affaires de France. Il y racontait avec une visible émotion sa première rencontre avec Napoléon. « A Fontainebleau, disait-il, nous avons tenu dans nos bras ce prince si puissant et si plein d’amour pour nous[1]. » Des résultats politiques et religieux de sa visite, il parlait avec sobriété et mesure, témoignant officiellement, comme il était naturel, un peu plus de satisfaction et de confiance qu’au fond il n’en éprouvait réellement. « Ce ne sont pas seulement des espérances, disait-il aux membres du sacré-collège, que nous avons rapportées de ce voyage. Beaucoup de choses ont déjà été faites et sont comme les arrhes de ce qui doit se faire encore. » Ce langage, qui dans sa généralité n’avait rien de contraire à la vérité, n’était point de nature à déplaire à l’empereur. Occupé alors après le couronnement de Milan à visiter les grandes villes du nord de l’Italie, il était aise que des deux côtés des Alpes on le crût dans les meilleurs termes avec le saint-siège. Il ordonna d’autant plus volontiers l’insertion de l’allocution pontificale au Moniteur qu’il venait justement de prendre dans son nouveau royaume des mesures contre lesquelles il pressentait bien que le saint-père ne pouvait tarder à réclamer. Au mois de juin 1805, par l’article 56 du titre VI du statut constitutionnel italien, il avait en effet été formellement stipulé que le code Napoléon serait, à partir du 1er janvier suivant, mis en vigueur dans le royaume d’Italie et dans toute l’étendue des provinces annexées à la France.

Le code Napoléon autorisait, comme on sait, le divorce, que l’église romaine n’a jamais reconnu. Il établissait aussi comme obstacles dirimans au mariage certains empêchemens, que cette église n’a point admis, en même temps qu’il en écartait d’autres qui lui ont toujours paru à peu près insurmontables. Lors de la conclusion du concordat, Consalvi n’avait à cet égard soulevé aucune objection. En France, le divorce était déjà reconnu par la loi ; dans le préambule de la convention religieuse à laquelle il avait, au nom du saint-père, apposé sa signature, la religion catholique avait été déclarée purement et simplement religion de la majorité des Français. Les choses s’étaient passées différemment en Italie. Le concordat italien

  1. Allocution pontificale prononcée en coitsistoire le 26 juin 1805.