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encore, quoique toujours difficile. Le jour où l’unité sortait tout armée du sol ébranlé par la guerre de 1859, le jour où la nationalité italienne existait manifestement, condensée dans un royaume de 22 millions d’hommes, la question de Venise était moralement résolue ; le dénoûment réel et politique n’était plus qu’une affaire de temps et de circonstance. Par là, l’Italie restait à la disposition de l’imprévu et devenait l’alliée nécessaire de quiconque entrerait en lutte avec l’Autriche, — à moins que l’Autriche, par une de ces résolutions d’une prévoyance hardie, ne se décidât à subir héroïquement une nécessité, à se faire honneur d’un grand acte de cession pacifique, pour se dégager et reconquérir la liberté de ses mouvemens au centre de l’Europe. Je me borne à rappeler une situation générale ; mais à quel moment cette situation commençait-elle à se préciser, à se nouer en quelque sorte ? On l’a vu depuis, l’inique guerre de Danemark, en paraissant réunir l’Autriche et la Prusse sous un même drapeau, cachait, au moins pour l’une d’elles, un redoutable piège, et la convention de Gastein, en révélant les ambitions grandissantes de la Prusse, en laissant entrevoir la possibilité d’un choc entre les deux puissances qui s’étaient alliées sur l’Eider, cette convention bizarre et subtile du mois d’août 1865 préparait justement une de ces occasions où l’Italie pouvait avoir un rôle.

L’Italie ne se hâtait pas cependant ; elle se hâtait même si peu que vers cette époque, à la veille de la convention de Gastein, elle recevait avec une certaine réserve quelques insinuations, vagues encore il est vrai, par lesquelles la Prusse essayait déjà de la tenter, — ou du moins à Florence on se montrait peu impatient, on se bornait à répondre sur le même ton et sans rien repousser que, lorsque la Prusse voudrait agir sérieusement, on verrait. A vrai dire, ce n’était pas sur Berlin que la politique italienne fixait en ce moment son attention, c’était bien plutôt du côté de l’Autriche, qu’on croyait pouvoir amener à une transaction. Je ne voudrais point exagérer ce qui n’a été en définitive qu’une négociation insaisissable et fuyante. Qu’on se souvienne seulement d’un mot lancé par le général La Marmora, alors président du conseil, devant le parlement italien, au commencement de 1865 : ce loyal soldat, qui bientôt devait être moins heureux qu’il ne le méritait, disait avec une confiance presque naïve que, s’il voyait l’empereur d’Autriche, il lui donnerait des raisons faites pour le décider à cette cession pacifique de la Vénétie. Le général La Marmora ne vit point l’empereur d’Autriche, auprès de qui ses plus fidèles serviteurs ont toujours craint d’aborder nettement une telle question ; mais quelques mois après que ces paroles étaient prononcées, il y avait à Vienne, dit-on, un personnage, Italien d’origine, connu de la cour