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conviction nullement décourageante, que la France, peu décidée pour le moment à prendre un rôle actif, n’empêcherait rien et s’en tiendrait à ce qui s’est appelé depuis « une neutralité attentive, » dans laquelle il se proposait, lui, de l’entretenir le plus possible. D’un autre côté, M. de Bismark s’était borné jusque-là vis-à-vis de l’Italie à des ouvertures assez vagues, à des mots jetés en l’air comme une provocation. Bientôt, soit qu’il démêlât le travail qui se faisait à Vienne, soit qu’il jugeât le jour arrivé de serrer de plus près l’alliance italienne, dont il sentait tout le prix, il en vint à parler plus clairement ; il répétait volontiers que les grandes choses qui restaient à faire, l’Italie et la Prusse devaient les faire ensemble. M. de Bismark eût été singulièrement trompé dans ses calculs, à vrai dire, si à ce même instant l’Autriche eût étonné le monde par une inspiration de bon sens et de prévoyance. Il ne se trompait pas dès que l’Autriche, en reculant à l’heure décisive devant l’abandon de la Vénétie, laissait à ses deux adversaires le terrain libre pour une action commune Tout ceci se passait dans l’autonome de 1865, et c’est au commencement de 1866 que s’agitaient entre la Prusse et l’Italie les propositions formelles d’une alliance offensive et défensive.

Que pouvait faire l’Italie dans cette situation à la fois si décisive et si compliquée ? Tout la poussait évidemment désormais vers l’alliance prussienne. Elle venait de reconnaître une fois de plus qu’elle n’avait rien à espérer de la cour de Vienne, et il eût été vraiment trop naïf, dans le duel qui s’annonçait, d’attendre que l’Autriche eût abattu la Prusse pour lui demander de nouveau la Vénétie. L’Autriche eût-elle, comme on le disait, cette pensée, secrète de ne vouloir se dessaisir de sa domination sur l’Adige qu’en pleine victoire sur l’Elbe, les Italiens ne pouvaient acheter la liberté de Venise par cet aveu éclatant et spontané d’impuissance, D’un autre côté, l’Italie ne se fût pas probablement engagée sans connaître les vues de la politique française et moins encore contre cette politique ; mais la France, bien loin de la détourner de l’alliance avec la Prusse, l’y encourageait au contraire. Ce n’est pas cependant que cette alliance prussienne fût très populaire au-delà des Alpes ? elle ne l’était nullement, Les violences de la guerre de Danemark, les luttes soutenues par M. de Bismark contre le parlement prussien, ses procédés absolutistes et féodaux, rendaient le premier ministre de Berlin fort suspect aux libéraux italiens. Et puis, s’il faut tout dire, l’armée prussienne, -- cette armée qui allait vaincre à Sadowa, — n’inspirait pas une confiance absolue ; elle n’avait pas paru sérieusement sur un champ de bataille depuis 1815 ; ses chefs étaient peu connus, les lauriers de Düppel faisaient une médiocre figure et n’éblouissaient nullement les esprits.