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Capellino et tendaient à le déborder. Il n’aurait eu peut-être qu’un moyen de se tirer d’affaire, c’eût été de rassembler toutes ses forces et de se porter en avant à l’assaut des positions ennemies. Il ne se crut pas en état de tenter une telle aventure. Le général Sirtori payait chèrement à cette heure l’erreur de son avant-garde, qui ne lui aurait pas seulement épargné une surprise, qui eût été pour lui une force précieuse de plus dans la situation difficile où il se trouvait. Il l’avait bien compris, et dès le commencement du combat il avait essayé de rappeler à lui cette force errante, il avait expédié des officiers à la recherche du général de Villahermosa ; mais au moment où il reçût cet appel, Villahermosa lui-même était déjà de son côté aux prises avec l’ennemi sur une autre route ; il ne pouvait accomplir le mouvement qu’on lui demandait, de telle sorte que Sirtori, dans l’impossibilité d’aller en avant, se trouvait réduit à défendre son terrain. Il ne se battait pas moins pendant quatre heures avec le 19e et le 20e régiment, qu’il avait portés à gauche et à droite de la Pernisa, et aussi avec les chevau-légers de Lucques, qui, sous les ordres du major Colli de Felizzano, — un vieux nom piémontais, — servirent plus d’une fois à dégager les bataillons compromis. Il continuait à opposer la plus vigoureuse contenance lorsqu’une attaque plus décisive des Autrichiens mettait en désordre deux bataillons du 19e régiment qui, dans la crainte d’être tournés, se rejetaient un peu confusément au-delà du Tione, tandis que deux bataillons du 20e se repliaient vers Sainte-Lucie, et Sirtori se voyait obligé de faire en plein combat ce qu’il n’avait pas voulu faire au début, c’est-à-dire de repasser le Tione, laissant derrière lui trois pièces d’artillerie qu’on ne put sauver dans la précipitation de ce mouvement de retraite, — à demi vaincu, mais nullement découragé et prêt à recommencer. Il était dix heures et demie du matin, et ici commençait de se réaliser ce que je disais : Sirtori combattait à 2 kilomètres de la route de Castelnovo, à 3 ou il kilomètres au plus de Custoza, et il ignorait ce qui se passait à ses côtés, comme du reste on ignorait ce qu’il devenait lui-même.

Ce qui se passait à la gauche de l’armée était bien simple. Les conséquences de la double erreur qui avait été commise se déroulaient avec une désastreuse logique. Villahermosa, s’enfonçant sur cette route de Castelnovo, qui court à travers une série de hauteurs, le Monte-Vento, Oliosi, le Monte-Cricol, Mongabia, Fenile, — Villahermosa dépassait le général de Villarey, qui attendait lui-même le gros de sa division, et le général Cerale se débrouillait péniblement à Valeggio, qu’il ne quittait qu’après six heures. Or à ce même instant Villahermosa, approchant d’Oliosi, avait déjà rencontré l’ennemi : c’était la division de Rupprecht, appuyée par la brigade de Piret du 5e corps de l’armée autrichienne, détachée de