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une trempe de cœur digne d’une meilleure fortune ; je n’en veux citer qu’un exemple. Dix officiers et trente hommes du 44e régiment avec le drapeau s’étaient réfugiés dans une ferme isolée après en avoir délogé des chasseurs ennemis. Pendant deux heures, ils résistèrent à des assauts répétés qui les décimaient ; les Autrichiens finirent par mettre le feu à la maison. Quand ces braves gens se virent menacés des flammes, avant de se rendre ils mirent leur drapeau en morceaux qu’ils se partagèrent en s’engageant à rapporter fidèlement ces précieuses reliques le jour où ils seraient rendus à la liberté, et cet engagement a été tenu. Quatre mois après, sur la place Saint-Marc, à Venise, le général de Revel, aujourd’hui ministre de la guerre, rendait au 44e régiment cette bannière en morceaux, ingénieusement sauvée après avoir été virilement défendue. Ceux qui faisaient cela étaient évidemment des soldats ; mais enfin ces actes obscurs et isolés n’empêchaient pas que cette échauffourée, où venaient de tomber Cerale, Villarey et Dho, n’eût pour conséquence de rejeter cette division si durement éprouvée jusqu’aux défilés du Monte-Vento, justement à l’heure où un peu plus loin Sirtori était refoulé de son côté.

Que faisait à son tour Brignone, le troisième divisionnaire du 1er corps ? Celui-ci, prudent et aussi habile que ferme, ne commettait pas les mêmes fautes, quoiqu’il allât au-devant des mêmes malheurs. Il était parti à la première heure du jour. Le bruit du canon d’Oliosi et de la Pernisa, qu’il entendit en passant sous Valeggio, ne pouvait que le confirmer dans son idée d’une rencontre inévitable, et lui faisait hâter le pas. Désormais il ne doutait plus que les Autrichiens ne se présentassent en force sur un vaste front, et dans sa pensée l’essentiel pour lui plus que jamais était de devancer l’ennemi sur les hauteurs de Custoza, pour pouvoir de là gagner le point extrême assigné à sa marche, Sona. Custoza apparaissait comme la clé de cette bataille indistincte qui s’annonçait. Par sa position en effet, Custoza peut être considéré comme le sommet de deux systèmes de hauteurs, l’un formé par Monte-Torre et Monte-Croce, l’autre courant dans la direction de Sommacampagna par le Belvédère, la Bagolina, Monte-Godio, la Berettara, et constituant une série de positions qui ont été plus d’une fois le théâtre de sanglans combats. Entre les deux systèmes se prolonge une vallée où se déroule la route qui va par Staffalo à Sommacampagna. Ici comme partout du reste, le sol est couvert d’arbres, de plantations, de vignes, et de colline en colline apparaissent des maisons, le palazzo Maffei, le palazzo Baffi. Brignone se hâtait donc vers ces régions, qui avaient l’avantage de le mettre en état de tenir tête à l’ennemi, de le relier au mouvement du reste de l’armée sur la gauche, et de fermer l’espace entre le 1er et le