Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1032

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séjourne que peu de temps à l’endroit où elle est tombée. Une partie s’évapore immédiatement et regagne l’atmosphère, une autre partie s’écoule en minces filets ou en torrens qui ravinent les sols en pente jusqu’au lit de la rivière la plus proche, le reste enfin pénètre sous terre, s’infiltre à travers les couches sablonneuses, glisse sur les rochers, s’introduit par les fissures des couches imperméables, chemine obliquement avec une lenteur excessive, en descendant toujours, et finit par venir sourdre à ciel ouvert dès que la configuration géologique de la contrée le permet. La proportion entre la quantité d’eau tombée du ciel et celle qui s’insinue à l’intérieur du globe dépend, on le comprend sans peine, de la nature même de la surface ; les sables retiennent presque tout ce qu’ils reçoivent, les rochers ne gardent presque rien. Toutefois on peut évaluer en moyenne la quantité d’eau absorbée par le sol au tiers de celle qu’il a reçue sous forme de pluie. C’est du moins le chiffre admis pour les terrains les plus communs aux environs de Paris, si bien que, lorsqu’il tombe 60 centimètres de pluie par an, on calcule avec assez de vraisemblance qu’il y en a 20 centimètres qui imbibent les couches profondes, ou, si l’on aime mieux, que chaque hectare superficiel cache une masse d’eau souterraine de 2,000 mètres cubes.

Avant de suivre plus loin le cours invisible de cette eau tombée du ciel, rappelons en peu de mots la disposition géologique des régions inférieures où elle va pénétrer. Personne n’ignore que la croûte solide du globe se compose d’assises superposées dans un ordre régulier et pour ainsi dire emboîtées les unes dans les autres. Dans le creux des vallées se trouvent les couches les plus modernes, qui sont aussi les plus propres à la culture ; au-dessous s’étendent des bancs d’argile, de craie, de sables ou de grès que les océans des siècles passés ont déposés par étages successifs aux diverses époques de la vie de notre planète ; puis au-dessous encore gisent dans leur immobilité primitive les roches granitiques, que l’on dit être le noyau de la terre. Les terrains d’alluvion, plissés, déformés, inclinés en divers sens par les convulsions qui ont déprimé l’écorce terrestre, se relèvent sur le flanc des coteaux, mais n’en atteignent pas tous le sommet, en sorte qu’on les voit affleurer à différentes hauteurs. Les uns sont perméables à l’eau, comme les sables siliceux, qui la laissent filtrer par tous les interstices et ressemblent à des éponges, ou comme les bancs de craie, qui sont brisés par mille fendillemens. D’autres sont imperméables, tels que les argiles et les grès. Les eaux se réunissent au bas des couches perméables, et jaillissent en sources lorsqu’elles arrivent à un endroit où le terrain manque devant elles. Les anciens avaient