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épaisses et bourbeuses que certaines rivières déversent dans l’océan, il y a bien des degrés intermédiaires. Quelles sont celles qui conviennent le mieux aux besoins de la vie, à la boisson, aux usages domestiques et industriels, à l’arrosage des prairies et des jardins, au nettoiement des villes ? Les médecins s’accordent à dire que les qualités essentielles d’une eau potable sont d’être limpide, sans odeur, d’une saveur franche et agréable, d’être tempérée en hiver et fraîche en été. Hippocrate a dit jadis : Optimæ sunt quæ et hieme calidæ sunt, æstate vero frigidæ. Les carbonates en dissolution paraissent exercer une influence favorable à la digestion, non moins que l’air et l’acide carbonique à l’état gazeux. L’eau distillée, qui est au point de vue chimique la plus pure de toutes les boissons, semble fade au palais et pesante à l’estomac, parce qu’elle est privée de matières étrangères et recèle à peine des traces d’air atmosphérique. Les marins s’en procurent souvent, soit au moyen d’appareils distillatoires, soit dans les mers polaires par la fusion de la glace ; mais ils ont soin de ne la boire qu’après l’avoir agitée à l’air. S’il y a au contraire un excès de substances dissoutes, l’eau est encore indigeste ; on appelle eaux séléniteuses, eaux dures, eaux crues, celles qui présentent ce dernier inconvénient. Par une prévoyance providentielle qui est une des innombrables harmonies de la nature, les sources qui s’offrent le plus souvent à l’homme sont exemptes de ces défauts. On doit donc éviter d’employer à la préparation des alimens les eaux de pluie ou de neige fondue, qui sont trop pures, de même que les eaux incrustantes, qui ne le sont pas assez ; on ne redoutera pas moins les eaux stagnantes, qui sont trop fréquemment croupies. L’eau des rivières, lorsqu’elle coule sur un fond rocailleux ou sur un lit de sable, convient mieux, si l’on a soin de ne pas la puiser aux endroits où elle est altérée par le voisinage des villes, et si l’on est à même de la tiédir en hiver, de la rafraîchir en été, de la clarifier lorsqu’elle est trouble. Les puits donnent une boisson salubre et agréable, s’ils sont préservés de toute infiltration malsaine, ce qui est plus rare qu’on ne le pense. En définitive, ce sont les sources qui sont au premier rang. Les préférences générales s’étaient prononcées en ce sens bien avant que les savans aient eu l’idée d’analyser les qualités des eaux.

Il importe peu que les eaux destinées à l’industrie et aux besoins de l’économie domestique soient douées, hiver comme été, d’une température uniforme ; mais il est indispensable qu’elles soient propres, ce qui veut dire débarrassées du limon, et des substances organiques putrescibles, et qu’elles ne contiennent en dissolution qu’une faible dose de sels terreux. Ce dernier point est